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fief du nom de Moriton, dont la plupart des terres étaient au Maréquet avec extension sur Hérouvillette. Ce fief de Ranville fut donné à l'abbaye d'Aulnay en 1231, lors de sa fondation, par Jordan de Say et Luce, son épouse, ainsi que par Richard du Hommet, chancelier du roi d'Angleterre, et Agnez, sa femme. La donation comprend aussi le patronage de l'église d'Hérouvillette: « Item ecclesiam de Herovilla et quidquid habemus in ecclesia de Ranvilla et in decima et decimam molendini sui in eadem villa..... Item « terram quam tenebat Andreas de Alneto apud Ran• villam. »

Par un acte non daté intervenu entre Durand, abbé de Troarn, les moines de cette abbaye cèdent à l'abbé et aux moines d'Aulnay la chapelle de Ste-Honorine, avec les dîmes qui en dépendaient. Cette charte, qui paraît être de la fin du XIIe siècle, est ainsi conçue :

<< Universis sanctæ matris ecclesiæ filiis; Durandus (1) dei gratia abbas Troarnis, totusque conventus sa«<lutem. Noverit universitas vestra quod Nos conces« simus abatti Sanctæ Mariæ de Alneto et monachis . ibidem Deo servientibus, capellam Sanctæ Honorinæ, << filiam matris ecclesiæ Sancti Audoeni de Bures, « perpetuo jure possidendam cum omnibus pertinantiis <«< suis, et tertia gerba totius tenamenti nostri quod « habemus in parochia Sanctæ Mariæ de Ran<< villa et in parochia Sanctæ Mariæ de Herovilla. Ipsi autem persolvunt nobis singulis annis tres minas << frumenti (2) ad mensuram granarii nostri mense

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(1) Nous croyons qu'il s'agit ici de Durand, deuxième du nom, 6e abbé qui gouverna l'abbaye de 1180 à 1195.

(2) 18 boisseaux.

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septembris. Ut autem concessio rata et inconcussa in perpetuum permaneat, sigillo nostro ad stipu<< lationes et præsentis scripti confirmationem eam «< corroborare curavimus, testibus iis scilicet me ipso «Durando, abbas, Rogiero priore, Odone baillivo, «Nigello, Serlone monachis ejusdem loci; Willelmo « dapifero, Johanne Senescalle, Roberto paupere, Alexandro pincenno et pluribus aliis (1). »

En vertu de cette concession, les moines d'Aulnay ou plutôt Jean, abbé d'Aulnay, présenta comme vicaire perpétuel à la chapelle de Ste-Honorine un prêtre nommé Guillaume d'Escoville. Ce vicaire fut agréé par Henri, évêque de Bayeux (2). On voit par le rescrit épiscopal dont nous donnons ci-après la copie, à cause des détails qu'il contient, que l'abbaye ne faisait au vicaire qu'une position des plus modestes. Nous copions au surplus:

a Henricus Dei gratia Bajocensis episcopus.

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« Omnibus sanctæ matris ecclesiæ filiis ad quos << præsens scriptum pervenerit, salutem in domino. << Vestra noverit universitas quod nos ad præsenta<< tionem Johannis abbatis et conventus de Alneto « Willelmum de Escovilla et in capella Sanctæ Hono«rinæ prædictæ ecclesiæ adjacentæ, accepimus ipsum « in ea perpetutum institutuantes vicarium. Monachi << autem de Alneto percipient in solidum omnes de"cimas frugum, lini, canabi, pomarum, verdia et «< varanciæ, et jam dictus Willelmus habebit omnia « reliqua et præterea de grangia monachorum ha

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(4) Copie collationnée délivrée par Joseph Lechevallier le 5 juin 1705.

(2) Décédé en 1215.

« bebit annuatim dimidium modium hordei (1/2 muid << ou 3 boisseaux).

<< Idem autem Willelmus, omnes episcopalia onera sustinebit. Et ut hæc a nobis facta beneficii concessio << firmata sit in perpetuum, scripti præsentis attesta«tionem sigillo nostro corroboratum dignum duximus « corroborare. Valete. »

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Enfin par un acte de l'an 1320, daté du jeudi avant l'Exaltation de la Sainte Croix, l'abbaye de Troarn céda à l'abbaye d'Aulnay, moyennant une redevance annuelle de 66 boisseaux d'orge, ce qui lui appartenait dans les dimes de Ranville et d'Hérouvillette acquises de Hugues de Jurques, représentant Robert.

A ce moyen, l'abbaye d'Aulnay se trouva proprié→ taire de la totalité des dimes de la paroisse d'Hérouvillette.

Ses droits et possessions dans les paroisses de Ranville et d'Hérouvillette sont au surplus résumés comme suit dans un aveu du 11 juin 1481 :

«Elle est propriétaire du fief de Ranville-Bigot, « qu'elle déclare tenir d'une donation à elle faite en . 1130, lequel fief ou membre de fief, a cour, usages, « simple justice aux paroisses de Ranville et d'Hérouvillette y ayant hommes, hommage rentes en deniers, grains, oiseaux, œufs et dignités à fieffe << noble appartenant, avec le droit de présenter à « l'église d'Hérouvillette, le cas échéant, plus le droit « de 40 sols tournois sur l'abbesse ou couvent de « Préaux, à raison du patronage de Ranville, qui <<< était anciennement de l'abbaye d'Aulnay, lequel «< fief vaut annuellement 25 livres 2 sols 4 deniers, « tant en deniers, grains, poules, œufs et autres << droits. >>

Ces redevances, qui représentaient alors une valeur assez importante, étaient le prix de nombreuses sousinféodations faites par l'abbaye à des particuliers et qui prenaient le nom de vavassorie lorsqu'elles étaient de quelque importance.

L'une des plus anciennes de ces vavassories est celle de Henri Dunort (17 août 1387), dont le siége était au Maréquet, jouxte le chemin royal (route d'Amfréville); elle contenait 21 vergées pour lesquelles il était dû à l'abbaye 32 boisseaux d'orge, 2 gelines et un hommage (1),

La vavassorie Jean Franque, de 1390, comprenait 4 acres 1/2 de terre labourable à Hérouvillette, plus 3 vergées en herbage au Maréquet, jouxte la rivière et la ruelle. La rente de fief était de 24 boisseaux d'orge, mesure de Caen (2), une poule et 10 œufs.

Le 13 février 1423, Héliotte, veuve de Guillaume Bouton, prenait à fieffe de l'abbaye, moyennant une redevance annuelle de 16 boisseaux de froment, 2 septiers (24 boisseaux ) d'orge, mesure de Caen, une geline et un hommage, « une maison, colombier et dépendances, plus une acre de terre à Hérouvillette, jouxte la rivière de l'Éguillon et Michel Yvelain, « butte le chemin royal (3), plus 3 vergées en la « Perelle, 6 vergées de pré, jouxte la dite rivière et << Jean Lefoulon; demi acre aux Perelles; 5 vergées,

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(1) L'hommage était dû pour mutation de vassal.

(2) A cette époque, ce boisseau, qui a été en usage jusqu'en 1420, contenait 11 pots 2/3. Le nouveau boisseau substitué en 1420 était de 14 pots.

(3) C'est l'emplacement actuel de la maison des demoiselles Denize. Le colombier a été démoli en 1825.

jouxte le Ruet; demi-acre delle de la Croix. Le 13 novembre 1434, on ajouta à cette concession 2 acres 1/2 aux Perelles; 1 acre 1/2 au pré du Moutier d'Hérouvillette; une vergée aux Boulands, jouxte Jean d'Escoville; 2 vergées 1/2 de pré, jouxte ledit d'Escoville et la rivière d'Esguillon: le tout moyennant 30 sols tournois de rente.

La vavassorie Auvrai, de 1481, contenait 11 acres et 3 vergées, située au Maréquet, jouxte l'Esguillon. Elle devait 30 sols et 1 geline de rente.

La vavassorie des Tirards contenait 17 vergées et devait neuf boisseaux d'orge, mesure de Caen, et 3 sols de cens.

Il y avait aussi la vavassorie des Prévots-sur-Ranville, du mois de mai 1487 et d'autres encore dans cette dernière paroisse, de sorte que le domaine territorial de l'abbaye se trouva considérablement réduit et remplacé par des redevances qui ne tardèrent pas, surtout celles en argent, à subir une énorme dépréciation.

Le fief d'Hérouvillette et celui de Dodeman qui lui était contigu continuèrent d'être possédés par des seigneurs séculiers. Aucun de ces personnages n'a brillé d'un éclat bien vif. Seigneurs d'Hérouvillette ou Dodeman sont également inconnus dans la localité. Toutefois, le nom de Dodeman se retrouve encore à propos d'histoires de revenants. Le Dodeman, disait-on, apparaissait fréquemment dans les nuits d'hiver près de l'âtre de l'ancien manoir, sous la forme d'un animal fantastique un peu hargneux, comme une sorte de bouledogue. Une autre apparition plus gracieuse et non moins authentique était celle de la Demoiselle des Jardins. L'une et l'autre de ces apparitions ne se produisaient jamais en dehors du lieu chevel de l'ancien fief,

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