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vint après tant d'autres sur le même sujet, elle a paru goûter ce qu'il contenait, forcément des redites, avec autant d'intérêt que les remarques appartenant en propre au nouveau commentateur. Ne serait-ce pas le cas de répéter le vers que le président Hénault traduisait si heureusement de Pope, pour le placer à la première page de son Abrégé chronologique de l'histoire de France Indocti discant, ament meminisse periti.

« Il y a d'autant plus d'opportunité à rappeler ici ce vers fameux, que la restitution définitive du texte du marbre de Thorigny n'appartient pas à M. Travers, ainsi qu'il n'a pas oublié de le déclarer dans la partie bibliographique de son mémoire. Le texte qui a servi de base au commentaire de M. Travers a été transcrit par lui sur les bonnes feuilles d'un mémoire lu par le général Creuly, séances des 15 décembre 1876 et 19 janvier 1877, à la Société nationale des Antiquaires de France. Dans ce travail, inséré au tome XXXVII, p. 32, de cette Compagnie, le savant général cite lui-même ses devanciers et rappelle qu'en France, dès l'année 1852, << M. Léon Renier était parvenu à expliquer d'une façon certaine quelques-uns des passages les plus controversés de l'inscription, et à établir d'importantes corrections en se servant uniquement des textes donnés par MM. Boileau de Maulaville et Lambert. >>

< Plus heureux que M. Renier, ajoute le savant général, « aidé par son premier travail, nous avons eu tout le loisir nécessaire pour examiner le monument original. La lecture que nous en donnons aujourd'hui nous paraît complète. Notre restitution a été faite d'accord avec M. L. Renier; elle est accompagnée d'une transcription et d'une traduction de ce texte si intéressant pour l'histoire de la Gaule à l'époque romaine. »

<< On sait que le marbre de Thorigny, l'un des plus célèbres et des plus importants monuments de l'épigraphie romaine qui aient été trouvés dans notre pays, est connu au moins depuis le XVIe siècle. Le bonhomme Charles de Bourgueville, sieur de Bras, cité par M. Travers, mentionnait déjà, en 1588, « le marbre couleur de jaspe, qui se trouve au village de Vieux, que l'on dit avoir été autrefois ville, et s'y découvre souvent en fouillant des pièces d'argent et de cuivre, où sont imprimées les effigies de César, ce qui fait voir, ajoute naïvement le sieur de Bras, qu'il les y fit espandre pour quelque grande remarque. »>

« Le travail de M. Travers commence naturellement par l'historique de ce marbre, découvert, en effet, avec nombre de médailles et d'autres importants vestiges de l'antiquité romaine à Vieux, l'ancien oppidum des Viducasses, et qui doit le nom sous lequel il est connu au château de Thorigny, où il fut transporté, on ne sait pas précisément à quelle date, mais il y a plus de deux siècles, par un seigneur de la maison de Matignon. On le conserva tant bien que mal dans le château jusqu'à l'époque de la Révolution de 1789, et, après diverses vicissitudes, il a fini par trouver asile dans l'Hôtel-de-Ville de St-Lo. «Il est aujourd'hui placé dans cet édifice, dans un vestibule mal éclairé, où l'on ne peut l'examiner qu'avec difficulté, car la face principale est tournée du côté opposé au fond. » Si je cite cette observation de M. Travers, c'est avec l'espoir de lui apporter un peu plus de publicité. Qui sait si les autorités de St-Lo, entendant nos doléances, ne se décideront pas peut-être à donner une installation plus convenable à un monument pour lequel bien des antiquaires se sont détournés et se détourneront encore de leur

chemin rien que pour en collationner les transcriptions sur l'original? Pour le présent, on a utilisé assez singulièrement ce cippe vénérable, on en a fait le socle du buste en bronze d'un contemporain illustre, M. Le Verrier, qui aurait bien mérité, ce semble, les honneurs d'un piédestal spécial. On sait que le marbre de Thorigny est un cippe de marbre rougeâtre, qui provient des carrières de Vieux encore exploitées aujourd'hui. Sa hauteur est de 1,462, sa largeur de 704 millimètres, son épaisseur de 571, trois de ses faces seulement portent des inscriptions, l'une, la face principale, de 31 lignes; la face latérale, à la gauche du spectateur, de 19; celle de droite de 32. La face antérieure ou principale contient la dédicace du monument, qui avait été en l'honneur de T. Sennius Solennis, fils de Solennius; par les trois provinces de la Gaule, sous les consuls Pius et Proculus, c'est-à-dire l'an 238 de Jésus-Christ; sur la face latérale de gauche du spectateur, une lettre adressée à Solennis par Tib. Claudius Paulinus, légat impérial, propréteur de la province de Bretagne, dans laquelle sont énumérés les présents qu'il avait envoyés à Solennis; sur la face de droite l'extrait terminé par les mots, et reliqua, d'une lettre de recommandation, en faveur de Solennis, à Badius Commianus, procurateur et vice præsidis agens. »

« Après avoir fidèlement reproduit la restitution du marbre de Thorigny due à M. le général Creuly, M. Travers s'est livré à un commentaire développé des trois inscriptions qui y sont gravées. Je ne suivrai pas M. Travers dans cette partie de son travail, je me suis déjà trop attardé sur cette lecture, je n'aurai cependant fait dépenser inutilement leur temps aux lecteurs de la Revue des Sociétés savantes si j'ai pu leur suggérer le

désir de lire les mémoires déjà publiés de M. Léon Renier et de M. le général Creuly, sur le marbre de Thorigny, ainsi que celui de M. Travers qui ne restera pas probablement manuscrit. »

SECTION D'HISTOIRE ET DE PHILOLOGIE.

Secrétaire, M. HIPPEAU.

Essai d'interprétation d'un préfixe français, par M. Édouard Le Héricher.

a Lorsque l'on considère dans la langue française, la moderne et la vieille, et dans le patois, la série des mots commençant par Gal et Gali, Cot et Go, Gan et Co, on est frappé de son étendue considérable et de la signification de tous ces vocables à physionomie péjorative et méprisante. Quand on consulte ensuite les dictionnaires étymologiques et spécialement l'œuvre monumentale du premier philologue français, M. Littré, dont le savoir est si étendu et la vue si pénétrante, on est étonné de leur impuissance avouée à expliquer un élément qui, pourtant, est trop fréquent pour ne pas avoir une signification.

«En présence de cette impuissance d'interprétation de nos philologues et de ses résultats négatifs, M. Le Héricher essaye de donner de ces préfixes une interprétation qui serait une véritable solution pour des centaines de mots appartenant aux français ancien ou moderne et aux patois. Il pose d'abord, en principe, que, quelque absorbante qu'ait été la langue latine par rapport au gaulois, il n'est pas possible que celui-ci se

soit laissé complètement absorber. « Les langues ont la vie dure, dit-il; un bon nombre de mots celtiques ont été authentiquement constatés dans la langue française, soit d'après l'autorité des écrivains latins, soit d'après les dialectes de cette famille qui ont survêcu comme langues nationales, soit encore dans les termes topographiques. Mais ce qui a dû surnager du celtique audessus de l'inondation latine et germanique, ce sont les termes très-généraux comme ceux qui expriment le mal, le faux, l'incomplet. C'est un de ces termes que je crois toujours subsistant dans un nombre très-considérable de mots appartenant aux diverses époques de notre langue et à nos patois. »

« Le patois normand a mis M. Le Héricher sur la voie, lorsque, étudiant la Flore populaire, il a rencontré les mots gauchene et gauquene, mauvais ou faux chêne ou quêne, c'est-à-dire l'érable; gaufrêne, mauvais frêne, gauvêche ou gauvesce, fausse vesce. Il y a dans la langue bretonne un péjoratif, avec le sens de mauvais, de faux, qui, par sa signification et sa forme, semble représenter nos préfixes. C'est le mot gwal qui subit, en breton, à peu près la même transformation que le préfixe français. M. Le Héricher cite, à l'appui de sa thèse, un grand nombre de mots français qui semblent avoir emprunté, comme le breton à la langue celtique, le préfixe péjoratif gal galhauban, faux hauban; galgale, mauvais mastic, mauvaise chaux; galifre, sale mangeur; caliborgne (vilain borgne); colimaçon en normand, calimaçon en français (faux limaçon, vilain limaçon). Quoique la plupart des exemples produits par l'auteur du mémoire appartiennent au patois normand, il ne doute pas qu'il ne s'en rencontre un grand nombre dans les patois des autres provinces,

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