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beaucoup d'entre nous. Il a visité longuement et à diverses reprises notre province, il a étudié et dessiné nos principaux monuments, et il s'est tenu consciencieusement au courant des découvertes diverses qui ont eu lieu dans ce pays. Le chapitre fort curieux où il traite de l'effet de la conquête sur les arts et l'architecture en Angleterre, atteste ces investigations consciencieuses et approfondies et appellent les réflexions et le contrôle des archéologues.

C'est un autre point de vue du travail de M. Freeman que nous voulons indiquer aujourd'hui. Ce livre, dont plusieurs thèses nous paraissent entachées de l'esprit de système et sujettes à révision, est dans son ensemble la contre-partie énergique des théories historiques émises successivement par Châteaubriand, Walter-Scott et Augustin Thierry. Palsgrave avait déjà commencé la réaction, M. Freeman la complète et l'achève. Pour lui, ce qui le frappe, c'est la persistance du génie Saxon, de ses mœurs, de ses institutions politiques. Aussi, à ses yeux, Guillaume le Conquérant, en se présentant aux propulations comme étant le successeur d'Édouard le Confesseur, lui paraît-il s'être attaché, malgré les apparences contraires, à rester dans la vérité de ce rôle; la bataille d'Hastings ou de Senlac n'a en définitif rien bouleversé. Guillaume ne touche ni à la langue ni aux institutions des vaincus, et son règne, loin de nuire aux progrès politiques de ses sujets, en accélère le mouvement. Beaucoup d'injustices privées et d'exactions signalent l'avénement du nouveau régime, mais il n'y eut jamais de dépossession systématique d'une race au profit de l'autre.

L'appréciation du nouvel historien sur le Domesday Bootk, sur le rôle de Lanfranc, sur le caractère de

Thomas-Beckel, sur la lutte de la papauté contre les moines saxons, ne s'éloigne guère moins des idées soutenues généralement par les historiens. Ce volume, malgré les vues systématiques qui tiennent chez l'auteur à ses croyances religieuses et à ses idées préconçues sur la valeur et le développement de la constitution anglaise, soulève une infinité de problèmes historiques qui ne nous semblent pas encore absolument résolus. E. DE B.

Recherches sur les voies romaines de la Seine-Infé rieure, par William Martin, membre de la Société des Antiquaires de Normandie et de la Commission centrale de la Société centrale de Géographie.

Dans ce consciencieux travail, M. William Martin s'est proposé de compléter sur un point spécial les recherches de ses savants et nombreux prédécesseurs. L'auteur, après avoir identifié les noms portés sur les itinéraires anciens avec les noms actuels, énumère soigneusement les voies romaines, dont la direction paraît depuis longtemps hors de contestation, et celles dont le tracé a été reconnu plus récemment par l'abbé Cochet; il signale ensuite, et c'est là la partie neuve de son mémoire, seize autres routes qui réunissent des points assez importants et dont le tracé est jalonné sur le sol par une succession non interrompue de ruines et de débris antiques de tous genres. La méthode rigoureusement scientifique suivie par M. William Martin a été appliquée avec succès par notre zélé confrère, M. Tirard, à l'étude des voies qui sillonnaient dans tous les sens le département du Calvados.

Nous recevons à l'instant deux opuscules auxquels

nous devons au moins une mention dans ce Bulletin. L'un est une dissertation courte, mais substantielle de M. Ch. Hettier sur la maison de campagne, à Bernièressur-Mer, du poète Moysant de Brieux. Cette plaquette est enrichie d'une charmante eau-forte due à notre confrère M. Tesnières; elle complète heureusement l'ensemble des recherches dont le fondateur de l'Académie de Caen a été depuis quelques années l'objet.

L'autre est un rapport lu par M. Mac-Calloch, lieutenant-bailli de Guernesey et l'un de nos confrères, à la séance de l'Association Bretonne tenue à Vitré le 7 septembre 1876, sur le privilége de neutralité appartenant aux îles anglo-normandes et sur les origines de certaines familles importantes de l'île de Guernesey.

Le travail de M. Mac-Callock a reporté tout naturellement notre attention sur les publications récemment parues dans le même ordre d'idées à Jersey. Grâce à l'initiative éclairée d'une dizaine d'habitants notables de l'île, une société savante s'y est organisée, en 1873, pour l'étude de la langue du pays, la conservation de ses antiquités et la publication de documents anciens relatifs à son histoire. La jeune association n'est pas restée inactive, et nous avons aujourd'hui sous les yeux deux bulletins et un fascicule qu'elle vient de mettre au jour. Plusieurs des travaux qu'ils renferment nous paraissent dignes d'attention.

La notice biographique consacrée à M. Durell-Lerrier Ecr nous initie à l'existence du premier président de la Société Jersiaise, qui fut tout à la fois un savant jurisconsulte et un archéologue distingué. M. Durell-Lerrier, juré-justicier et lieutenant bailli près la Cour royale, a laissé une importante collection de manuscrits et d'objets d'antiquité.

La lettre de rémission accordée au mois d'août 1412 par le roi de France Charles VI à Richard Duneville, pêcheur normand, pris en un baleinier en escumerie sur la mer avec les Anglois Islemens, ennemis du royaume, est un texte des plus intéressants. Il a été communiqué et publié par M. Julien Havet. Les notes relatives à une découverte de monnaies gauloises, en 1875, au Rozel, par M. E.-H. Cable, et aux fouilles pratiquées dans la Hougue ou tumulus de Ste-Brelade, en 1874, par le docteur Bull, ont une réelle importance pour l'histoire archéologique de l'île. L'exploration du dolmen, dit de Cinq-Pierres, a fourni des éclats de silex, des ossements humains, des fragments de poterie, des outils de pierre et de silex, des pierres avec inscriptions apparentes, et un outil qui servait à filer. Il est regrettable que la Société qui nous a conservé le plan de « la Hougue des Chinq Pierres » n'ait pas joint au rapport du docteur Bull une planche nous donnant la représentation exacte des outils de pierre et de silex, et surtout des pierres avec inscriptions apparentes qui figurent aujourd'hui dans son musée.

Jusqu'ici, la publication de l'extente ou inventaire des propriétés et droits du domaine royal à Jersey en 1331, est l'œuvre la plus considérable de la Société. Ce document sera utilement consulté pour l'étude des noms d'hommes et de lieux, des mesures en usage à cette époque et des droits de toute nature qui étaient en vigueur l'extente de 1331 ne doit pas, d'ailleurs, rester isolée; elle sera suivie de la publication des extentes de 1274, 1515, 1607, 1660. Nous nous permettrons de signaler encore à la Société des Antiquaires le soin religieux avec lequel la mémoire de Wace est conservée dans sa patrie natale, et nous faisons des

vœux pour que la Société Jersiaise prenne des mesures efficaces pour honorer dignement l'auteur du Roman de Brut, du Roman de Rou et des ducs de Normandie.

XV réunion des Sociétés savantes, 14 avril 1877.

Cette année, comme les années précédentes, nous reproduisons dans leur ordre les notices consacrées aux lectures faites par les membres de la Compagnie à la réunion d'archéologie et à la section d'histoire et de philologie.

SECTION D'ARCHÉOLOGIE.

Secrétaire M. CHABOUILLET.

« M. Émile Travers, archiviste-paléographe, ancien archiviste du département du Doubs, membre de la Société des Antiquaires de Normandie, a donné lecture d'un mémoire intitulé: Le marbre de Thorigny, alias de Vieux. Etude et commentaires des inscriptions de ce monument. Ce n'est pas un mémoire, c'est presque un volume que M. Travers avait apporté à la Sorbonne. Aussi, arrivé devant ses confrères, après avoir entendu des lectures relativement brèves, en homme d'esprit, le savant archiviste n'a pas tardé à comprendre qu'il lui fallait se résigner à pratiquer de larges coupures dans son manuscrit. Les opérations de cette nature sont difficiles à exécuter à l'improviste, on s'en tire cependant avec de la dextérité, et M. Travers l'a bien prouvé, car l'Assemblée sans se plaindre de l'état de morcellement du travail qu'il lui avait lu, l'a écouté comme il méritait de l'être. Ce n'est pas assez dire; bien que ce travail

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