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Notice sur vingt Manuscrits du Vatican, par Léopold Delisle.

La brochure que nous annonçons présente pour la Normandie un intérêt si particulier, que les lecteurs du Bulletin nous permettront d'entrer dans quelques détails. Dans un voyage récent qu'il a eu l'occasion de faire en Italie, l'Administrateur général de la Bibliothèque nationale a appelé l'attention du monde savant sur vingt manuscrits déposés aujourd'hui au Vatican. Il a fait précéder leur analyse d'un exposé général auquel nous croyons devoir emprunter quelques lignes. « La plupart des anciens manuscrits, nous dit-il, sont aujourd'hui immobilisés dans les grandes bibliothèques de l'Europe. Par suite de vicissitudes de tous genres, beaucoup sont aujourd'hui bien éloignés des pays dans lesquels ils ont été exécutés et longtemps conservés. »

L'étude des migrations des manuscrits, qui est encore si peu avancée, n'aboutit pas seulement à de piquantes révélations sur l'histoire des bibliothèques; elle fournit des notions précises sur la part qui revient à chaque nation dans la formation du fonds commun d'où est sortie la civilisation moderne. Plus on approfondira cette étude, plus on reconnaîtra le merveilleux éclat dont nos bibliothèques françaises ont brillé au moyen âge, et que la renaissance Italienne ne saurait faire oublier. Au reste, les plus illustres représentants de la littérature en Italie au XIV et au XVe siècle, ont loyalement reconnu les ressources qu'ils ont rencontrées dans nos vieux monastères, quand il s'est agi de retrouver et de mettre en valeur l'héritage de l'antiquité.

Aux témoignages anciennement connus, est venu récemment s'ajouter celui d'Erasmo Brusca, émissaire

que Ludovic Le More entretenait en France pour y rechercher dans les couvents et chez les libraires les ouvrages inconnus ou rares en Italie.

Parmi les plus curieux des manuscrits sur lesquels M. Léopold Delisle a fait porter son examen, nous citerons notamment :

N° VII. Chronique de Saint-Étienne de Caen, no 703 du fonds de la Reine. Ce volume de 56 feuillets de parchemin, haut de 258 millimètres, large de 180, écrit pour la plus grande partie au milieu du XII siècle, contient l'histoire du monde jusqu'à l'année 1143.

« Le soin avec lequel sont notés dans ces annales beau«coup de détails tout à fait particuliers à l'Abbaye de « Saint-Étienne de Caen montre que la chronique a été « rédigée dans ce monastère. C'est donc à bon droit « qu'elle est connue sous le titre de Chronicon Sancti Stephani Cadomensis. La meilleure partie en a été publiée par André Duchesne, et par les continuateurs « de dom Bouquet. >>

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N° VIII.

Fragments d'Orderic Vital, no 703 B. du

fonds de la Reine.

Ce volume de 52 feuillets de parchemin, haut de 258 millimètres, large de 80, exécuté au milieu du XIIe siècle, renferme notamment une partie du livre VII et tout le livre VIII de l'histoire ecclésiastique d'Orderic Vital, quelques notes sur les événements des années 1133-1140, la relation d'un miracle de saint Michel et la lettre si curieuse de Robert de Tombelaine publiée par Mabilon dans les annales de l'ordre de St-Benoit (Annales Ord. sancti Benedicti v. 656-660), et sur laquelle on peut consulter l'histoire littéraire de France et l'étude sur la Vie de Robert de Tombelaine par notre confrère M. Ch. Le Breton.

IX.-Chronique de Robert de Torigni, no 553, fonds de la Reine. Volume de 152 feuillets de parchemin, haut de 340 millimètres, large de 238, copié aux environs de l'année 1225. « C'est une belle et bonne copie exécutée à l'abbaye de Saint-Wandrille, d'après un manuscrit conservé aujourd'hui à la bibliothèque de Rouen sous la cote Y 15. »

X.-Annales de l'Abbaye de Jumiéges, no 553, 2° partie du fonds de la Reine. D'après l'appréciation du savant conservateur de la Bibliothèque nationale, ces annales, dont la première partie dérive probablement des annales de Rouen, mériteraient d'être étudiées en détail. C'est, ajoute-t-il, un document original très-important, qui n'intéresse pas seulement l'histoire de la Normandie. Au point de vue de l'histoire ecclésiastique de cette province, il y a lieu de signaler l'existence de sept catalogues épiscopaux, copiés pour les diocèses de Rouen, d'Évreux, d'Avranches, de Sées, de Bayeux, de Lisieux et de Coutances, sous le pontificat de Maurice, archevêque de Rouen de 1231 à 1235 et que l'on peut consulter au folio 163.

XI. - Le Dragon Normand et divers morceaux historiques, p. 30-81 du fonds Ottoboni.

Ce poème historique, aussi important pour la littérature que pour l'histoire du XIIe siècle, a été composé vers 1170 par Étienne de Rouen, moine du Bec, auquel M. Fierville a consacré dans notre Bulletin une substantielle monographie. Cet ouvrage, que nous ne connaissons que par les sommaires de dom Brial et par la publication fautive comprise dans le recueil posthume du cardinal Maï, mériterait d'être l'objet d'une publication complète et définitive. Espérons que M. Léopold Delisle comblera quelque jour ce desideratum, et enri

chira l'une de nos sociétés normandes du texte correct du Draco Normannicus.

Mentionnons, en finissant, XVIII-XIX, deux textes français de la Coutume de Normandie, et XX (no 499 du fonds de la Reine), un texte très-important de la Chronique du Bec; « une édition complète de cette chro<< nique mériterait d'être entreprise par un de nos << compatriotes et d'être encouragée par une de nos << sociétés normandes. "

Nous ne saurions avoir la prétention de recueillir ici tous les renseignements utiles aux érudits normands consignés dans la brochure de M. Léopold Delisle : les brèves mentions auxquelles nous sommes obligé de nous borner suffiront, croyons-nous, à attirer l'attention de ceux qui s'occcupent d'études de ce genre. En analysant avec tant de soin, tant de science et de pénétration ces vingt manuscrits du Vatican, notre illustre compatriote a répondu aux libérales intentions du cardinal Pitra, bibliothécaire de l'église de Rome, et il a bien mérité de la Normandie en mettant en lumière ces antiques volumes, qui rappellent le nom de nos plus célèbres abbayes, Saint-Wandrille, Le Bec et Saint-Étienne de Caen. E. DE B.

L'Hôpital de Mortagne en 1530, brochure de 25 pages. Mortagne 1877. – Les Confréries campagnardes dites de charité, dans le Perche, brochure de 32 pages. Bellême, 1877.

Ces deux brochures de M. le docteur Jousset méritent d'attirer quelques instants l'attention. La première est moins l'histoire régulière de l'établissement hospitalier de Mortagne que le récit d'incidents particuliers

qui marquèrent dans son existence. L'organisation de l'hôpital fut l'œuvre de Marguerite de Navarre, et remonte à l'année 1530; les sœurs hospitalières y furent installées par les soins de messire François Roussel de Médavi, évêque de Sées, le 24 octobre 1665. En 1695, Louis XIV donna à l'Institut les biens du monastère de Chartrages et de la léproserie de Mauves. La lecture de tous ces titres n'est pas sans intérêt: nous recommandons pourtant d'une façon plus spéciale l'histoire de l'élection assez irrégulière de l'administrateur Burban, qui fut cassée par arrêt du Parlement au mois de juillet 1665. Dans toute cette affaire, le lieutenant général civil et criminel de Puisaye joua un rôle décisif, et les animosités aveugles que son énergie souleva suggèrent à M. le Dr Jousset les réflexions philosophiques suivantes que nous reproduisons sans commentaire :

« On se demande naturellement pourquoi le lieutenant général de Puisaye fut le point de mire d'une opposition contre son pouvoir et sa personne peut-être. On le comprendra en voyant ce qui se passe encore de nos jours..... Très-généralement, les populations n'aiment pas ceux qui sont à leur tête, même ceux qui les servent le mieux. Elles consentent à tolérer le maire, qui laisse faire et passer, qui ferme les yeux sur les mille manquements aux arrêts et ordonnances pourtant établis pour le plus grand bien de tous. Mais le public a des accès de rage contre le fonctionnaire qui, ayant le sentiment de ses devoirs, tient à l'observance de la règle et de la discipline. L'histoire des trois derniers siècles est curieuse sur ce sujet. On pourrait narrer les persécutions assumées par tel et tel lieutenant général, par tel et tel maire, hommes recommandables, dont le crime seul était d'avoir été les représentants de la loi

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