Page images
PDF
EPUB

lités de son auteur nous donne une idée de la justesse de son jugement. « Si on me demande mon avis, dit-il, «j'affirme n'avoir jamais vu l'éloquence enseignée avec << autant de finesse. Quintilien examine et explique si << bien tout ce qui concerne cet art que, pour ceux dont << l'intelligence est bien préparée, il fait une peinture << exacte de toutes les subtilités du langage (1). »

Pour se rendre mieux compte encore du mérite de cet abrégé, il faut se rappeler dans quel état était le texte qu'il avait sous les yeux. Le monde savant sait maintenant quelles sont les cinq grandes lacunes des manuscrits de la première classe; sauf au commencement du premier livre, elles sont les mêmes partout; l'étude que j'ai faite dernièrement du manuscrit de Salamanque, non cité jusqu'à présent, ne m'a rien appris de nouveau à ce sujet. Mais le manuscrit du Bec était dans des conditions plus déplorables encore. Il lui manquait en outre la fin du livre X (environ le tiers de ce livre), et les livres XI et XII, sauf un passage très-court de ce dernier (2).

(1) Ms. 14146, fo 45, ro.

(2) Les destinées du Quintilien ms. du Bec sont étranges. Il paraît aujourd'hui perdu définitivement, mais nous pouvons suivre ses traces pendant plusieurs siècles.

Philippe de Harcourt, évêque de Bayeux, à son retour de Rome, en 1144, le rapporta très-probablement avec beaucoup d'autres mss. précieux, qu'il donna à l'abbaye du Bec (1164), où il s'était proposé d'aller terminer ses jours. C'est alors qu'Étienne de Rouen s'en servit. Au XIIIe siècle, il fut transcrit par le copiste du mss. 7719. Mais à la fin du XIVe siècle, un moine de Fécamp, Estoud d'Estouteville, imposé violemment comme abbé aux moines du Bec (1388-1391), profita de son passage dans cette abbaye pour emporter à Fécamp les vases sacrés, les joyaux précieux et les livres du Bec, en si grande quantité, disent les chroniqueurs, que jamais, depuis sa fondation, le monastère

C'est de cet exemplaire ainsi mutilé qu'Étienne s'est servi pour le ramener à de plus minces proportions encore. Chose étrange, son compendium est resté complètement ignoré au fond de la bibliothèque de StGermain-des-Prés, jusqu'à ce qu'il ait été collationné, à la fin du XVIIIe siècle, par un savant professeur de l'Université de Paris, Vicaire, qui n'en soupçonna pas la haute valeur. Pourtant, depuis le XIIe siècle, on avait repris quatre fois la question des abrégés de Quintilien.

Gonthier d'Andernach, le premier, caché sous le pseudonyme de Jonas Philologus, publia un epitome dont le succès fut très-grand et dont les éditions se succédèrent rapidement, pendant dix-neuf ans, 1531 à

n'avait été si complètement dévasté, même au milieu des guerres les plus terribles. - Plus tard, exécuteur testamentaire de son frère, Guillaume, évêque de Lisieux, il fonda à Paris le collége de Lisieux ou de Torcy (1422) et légua à cet établissement tous les livres qu'il avait emportés du Bec. « Que Dieu le lui pardonne », ajoute le chroniqueur. C'est donc, selon toute probabilité, au collège de Lisieux qu'au XVIIIe siècle encore on aurait pu retrouver le Quintilien du Bec. Qui sait si ce n'est pas au moment où ce collége fut transféré dans les bâtiments du collège Louis-le-Grand (4 octobre 1762), puis dans le collége de Beauvais (7 avril 1764), que notre ms. a disparu ?

Voir Gall. christ., t. XI, coll. 212, 224, 235, 361-363;-Biblioth. d'Avranches, cod. 159; - Rapports au Ministre de l'Instruction publique sur les bibliothèques des départements de l'Ouest, par M. Félix Ravaisson. Paris, Joubert, in-8°, 1841, appendice no XIII, p. 375-395, -dans l'histoire de l'Université de M. Ch. Jourdain, le Testament d'Estoud d'Estouteville, 1422.

C'est aussi de la collection de livres légués à l'abbaye du Bec par Philippe de Harcourt que provenait le Traité des Synodes d'Hilaire de Poitiers, copié par Étienne de Rouen, et qui a également disparu (Voir : ms. 14146, fo 186, ro, et Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie, t. VIII, p. 72.

1550 (1). Ce livre, presque introuvable aujourd'hui, n'avait qu'une médiocre valeur (2). Ce n'était qu'une sorte de rhétorique des classes, condensée en quatrevingts et quelques pages, où ne figurent ni le premier ni les trois derniers livres, si beaux cependant, mais trop littéraires et trop peu didactiques pour le but qu'on voulait atteindre.

Ce plan défectueux devait être suivi plus tard, mais d'une manière plus heureuse. Joseph Ier, roi de Portugal, qui réforma l'Instruction publique dans son royaume, avait voulu rendre à Quintilien la place usurpée par les petits traités de rhétorique des Jésuites. Pierre-Joseph de Fonseca publia alors à Lisbonne, en 1781, un abrégé destiné au collége des jeunes nobles. Il avait mis de côté les livres I, X et XI, en entier, et les livres VII et XII, sauf deux chapitres assez courts (1).

(1)

Epitome Institutionum Quintiliani, composita a Jona Philologo, Parisiis, in-8°, 1531, « apud Simonem Colinæum. »

(2) Je me suis servi de l'exemplaire de la Bibliothèque de SteGeneviève, catalogué X, 817.

(1) Il avait pour lui l'autorité de Mabillon et de Rollin.

On peut faire de grands retranchements au jugement d'un habile « homme dans la rhétorique d'Aristote et de Quintilien.....; tout ce « qui regarde, dans Quintilien, l'ancienne rhétorique du barreau « est fort embarrassé, comme tout le VII livre et le chapitre de Statibus, et presque tout ce qui concerne les figures et les lieux des arguments dont la connaissance est assez inutile. Il faut s'étudier « à une juste brièveté, qui n'estropie pas les matières, et qui ne les « rende pas obscures. »

Mabillon, Traité des Etudes monastiques, 2o partie, ch. x11, p. 280; in-4°. Paris, 1691.

«Si anni curriculo hæc studia terminentur, poterunt in schola « omitti plura, præclara quidem illa, sed quæ ad rhetoricam proprie non pertinent....., tales sunt, quibusdam exceptis primi duo « libri et postremi tres..... Rollin, præfatio, ad calcem.

Cet ouvrage, sans originalité, n'était en outre qu'une réduction manifeste de celui de Rollin et je ne crois pas qu'il ait été très-répandu. Cependant la préface en est bonne, le texte est pur et conforme à l'édition de Capperonnier, et les coupures sont soigneusement indiquées (1).

Un autre système fut suivi par l'auteur d'un epitome dont nous avons un exemplaire manuscrit à la Bibliothèque nationale, sous le n° 7760 (XVe siècle). L'évêque de St-Brieuc, Jean du Tillet, en rapporta une copie de Rome et la publia (1554), à tort ou à raison, sous le nom de Pierre-Paul Verger (1349-1428) (2). Du Tillet vante cette œuvre nouvelle au détriment de celle de Gonthier d'Andernac (3) : il y a cependant des réserves

(1)« Institutionum rhetoricarum libri tres ex M. Fab. Quinctiliano deprompti, et primis eorum studiis qui humanioribus litteris dant operam accommodati, a Petro Josepho de Fonseca, in regali nobilium adolescentium collegio rethorices atque poetices professore. Quinctiliani textus Claudii Capperonerii editionem refert..... » Olisipone, ex typographia regia, anno MDCCLXXXI; in-12, p. 1-605.

Dans la préface, p. ix, l'auteur, après avoir parlé de l'œuvre de Jonas Philologus, ajoute: «Alterius quoque epitomes meminit « Gibertus (Jud. erud. de rhet., t. II, p. 196), quam fecit Strebœus, « Remensis, quanquam eam nunquam se vidisse ipse profiteatur. »— Peut-être s'agit-il du De Electione et oratoria collocatione verborum libri duo, 1540, ap. Vascosanum, in-4°, qui est à la bibliothèque de Reims, mais qu'on a refusé de me communiquer.

(2) « M. Fabii Quintiliani Institutionum oratoriarum libri XII in commentarios redacti, Petro Paulo Vergerio auctore, ex bibliotheca Joannis Tillii episcopi Briocensis; » Parisiis, in-8°, 198 p., MDLIII, 1 apud Guill. Morelium. »

(3) Laborem et industriam aliorum qui se in hoc exercuerunt genere haud contemno. Sua enim gloria cum ratione et iudicio conatus quilibet dignus est; verumtamen si hoc summarium cum eo

nesey, et de l'honorable M. Gustave Dupont, de Caen, Serk est sorti de l'oubli et de l'obscurité dans lesquels elle était ensevelie. Son antiquité est maintenant prouvée et reconnue, et elle commence à retrouver la place qu'elle occupa jadis, et qu'elle mérite à juste titre. Nous mentionnerons encore un fait, remarqué par M. Gustave Dupont, c'est la vitalité de Serk. Après la disparition de la population celtique dans un temps inconnu, on trouve que vers la fin du Ve siècle l'île était habitée, et, dès-lors, elle n'a pas cessé de l'être plus ou moins, excepté pendant deux courts intervalles, jusqu'à aujourd'hui. A plusieurs reprises, des pirates et autres ont massacré, emmené prisonnière, en tout ou en partie, cette population; ont détruit, brûlé tout, et, cependant, l'ile s'est toujours repeuplée chaque fois et promptement. D'où vient cet attrait? cette persistance à habiter cette petite île ? Il se pourrait que le souvenir persistant de saint Magloire ait contribué à ce résultat pendant de longues années. Son monastère et son église ont peut-être servi à fixer dans l'île une population plus ou moins considérable et permanente. Ailleurs, combien de semblables monastères n'ont-ils pas été comme le centre de villages et de cités qui subsistent encore aujourd'hui.

P. S. En mars dernier, 1876, on a dû niveler un terrain contigu à l'emplacement de l'église de St-Magloire, et pendant les travaux de terrassement on a mis à découvert un bout du mur de cette église, en bon mortier blanc et solide. Il a dû faire partie de la façade ouest, car c'était là que des personnes encore vivantes avaient vu le pas de la porte d'entrée. On a coupé un drain venant de dessous l'église. On a dé

« PreviousContinue »