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comme Bayeux qu'un centre d'occupation de la part des Saxons. En effet, les historiens contemporains nous les indiquent comme occupant en outre des îles situées à l'embouchure de la Loire.

Du reste, c'est sur la troisième Lyonnaise que l'histoire contemporaine nous a conservé le plus de documents d'une authenticité irrécusable.

Ainsi, nous voyons en 463, Adovacre désigné tantôt comme duc et tantôt comme roi des Saxons, s'avancer par eau jusqu'à Angers et faire un grand carnage des habitants, tant de cette ville que des villes voisines, d'où il emmène d'ailleurs des otages.

Adovagrius, Saxonorum dux, cum navale hoste « per mare usquè ad Andegavis civitatem venit: magnâ << tunc cæde populum vastavit. Adovagrius itaque de « Andegavis vel de aliis civitatibus obsides acce• pit. >>

Or, c'est vraisemblablement à cette invasion que fait allusion l'évêque de Clermont, Sidoine Apollinaire, lorsqu'il peint les Saxons menaçant l'Aquitaine; et ce sont probablement eux que l'historien-poëte désigne dans les vers suivants :

« Quin et Armoricus piratam Saxona tractus

a

Sperabat, cui pelle salum sulcare Britannum

Ludus, et assuto glaucum mare findere lembo...

Les Saxons de la troisième Lyonnaise avaient donc formé en définitive, tant à Guérande et aux environs que dans les îles situées à l'embouchure de la Loire, une sorte de petit royaume indépendant au milieu des Franks et des Bretons : colonie de Germains qui continua quelque temps d'inquiéter le cours de la Loire et de menacer les côtes de l'Océan.

Enfin, c'est vraisemblablement à la présence des Saxons fortement établis sur le rivage armoricain à la fin du Ve siècle, que la Bretagne a dû ces races de haute taille et de forte stature, par exemple sur les côtes de l'Océan, si différentes des races celtiques proprement dites en général, et en particulier des habitants du Finistère et du Morbihan.

A quelle époque les grandes invasions saxonnes ont-elles dû cesser sur nos rivages armoricains?

C'est seulement vers la fin de la première moitié du Ve siècle, c'est-à-dire en 441, que les Saxons se rendirent définitivement maîtres du territoire de la Grande-Bretagne :

« Britanniæ, dit un historien contemporain, usquè << ad hoc tempus variis cladibus eventibusque laceratæ, in ditionem Saxonum rediguntur. »

D'un autre côté, l'évêque de Clermont, Sidcine Apollinaire indique que les invasions saxonnes cessèrent vers l'année 454 :

• Saxonis incursus cessat, Chattumque palustri
3 Alligat Albis aqua.

Tout porte donc à croire que la puissante diversion opérée par la conquête de l'Angleterre sauva les Gaules du retour de nouvelles invasions, en offrant aux pirates saxons une proie égale à leur avidité avec un territoire sur lequel ils purent définitivement s'établir.

Au reste, à dater de cette époque mémorable, nous ne trouvons plus de documents relatifs aux Saxons, si ce n'est dans les historiens franks ou dans l'histoire de l'Église.

C'est que, sans cesse aux prises avec un gouverne

ment régulier, les petites colonies saxonnes perdirent graduellement de leur importance primitive et finirent par se fondre entièrement, surtout depuis leur conversion au christianisme.

Ainsi, en 471, les Franks s'emparèrent des îles que les Saxons possédaient à l'embouchure de la Loire et qu'ils y avaient fortifiées :

« Insulæ eorum cum multo populo interempto à Francis captæ atque subversæ sunt. »>

En 590, les historiens français nous présentent les Saxons de la deuxième et de la troisième Lyonnaise comme ayant adopté complètement les mœurs de la Bretagne, c'est-à-dire comme ayant les cheveux coupés à la mode des Bretons et portant les mêmes vêtements qu'eux : « Juxtà ritum Britannorum tonsi, atque « cultu vestimenti compositi.....

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Enfin, les missionnaires chrétiens vinrent à leur tour achever la fusion des races en convertissant à la loi du Christ les anciens adorateurs d'Odin.

En effet, le christianisme ne craignit pas d'aborder cette race barbare, si rebelle aux enseignements chrétiens, et les confesseurs de la foi tentèrent à leur tour de les convertir; mais, ce fut seulement vers le milieu du VIe siècle qu'eut lieu, non sans peine, la conversion laborieuse et définitive de ces races barbares et fanatiques au premier chef.

En ce qui concerne la deuxième Lyonnaise, bien que saint Gaud (451-491), ancien évêque d'Évreux, se fût déjà retiré dans la forêt de Scissy vers la fin du Ve siècle, l'histoire ne dit pas que ce saint évêque, contemporain de Mérovée, eût tenté la conversion: des habitants du littoral, certainement payens à cette époque, conversion réservée près d'un siècle plus

tard, dans la seconde Lyonnaise, à saint Pair, évêque d'Avranches (552-565). »

D'un autre côté, nous savons que saint Hélier fut martyrisé dans l'île même de Jersey, où il s'était établi en l'année 552, par des pirates qui n'étaient vraisemblablement autres que ces mêmes Saxons écumant encore les mers et convoitant notamment à cette époque ces îles du canal qu'ils ont dû coloniser en majeure partie.

Quant à la troisième Lyonnaise, nous savons de source certaine, par un historien contemporain, que les Saxons de cette partie du littoral armoricain ne furent convertis que dans la seconde moitié du VIe siècle, c'est-à-dire par saint Félix, alors évêque de Nantes (550-584), comme nous l'apprend l'historien-poëte Fortunat, son contemporain, dans les vers suivants :

« Mitibus alloquiis agrestia corda colendo,
« Munere Felicis, de vepre nata seges,
Aspera gens Saxo, vivens quasi more ferino,

Te medicante, sacer, bellua reddit ovem. »>

Nous ne possédons pas, il est vrai, de détails aussi précis sur la seconde Lyonnaise, si ce n'est toutefois en ce qui concerne saint Vigor, l'apôtre des Saxons du Bessin; mais tout porte néanmoins à croire que les peuples du littoral, convertis avec tant de peine par saint Pair, évêque d'Avranches, suivant le texte de sa légende, n'étaient autres que ces barbares si exactement dépeints par l'historien Fortunat, et dont nous retrouvons le caractère opiniâtre, les usages sauvages et les mystères impies.

Il nous paraît donc certain que ce fut vers la seconde

moitié du VIe siècle que saint Vigor, évêque de Bayeux, saint Pair, évêque d'Avranches, d'une part dans la seconde Lyonnaise, et saint Félix, évêque de Nantes, d'une autre part dans la troisième Lyonnaise, achevèrent la conversion de ces barbares que nous voyons plus tard accepter les mœurs des Bretons et devenir les alliés des rois méro vingiens. En 578, le roi Chilpéric fit marcher en Bretagne les Saxons de Bayeux, avec les hommes de Tours, de Poitiers, du Mans et d'Angers, contre Waroch, fils de Malo; mais ce dernier ayant surpris pendant la nuit l'armée du roi sur les bords de la Vilaine, fit un grand carnage, notamment des Saxons Bajocasses, Saxones-Baiocassini, Baigassini et Bagassini.

Enfin, en 590, Frédégonde, en guerre avec Gontran, envoya également en Bretagne, mais cette fois au secours de Waroch, ces mêmes Saxons de Bayeux dont les généraux du roi firent encore un grand carnage. Or, les Saxons portaient alors les cheveux coupés à la mode des Bretons et des vêtements semblables aux leurs Juxtà ritum Britannorum tonsi, atque cultu vestimenti compositi.

:

IV.

Là s'arrête l'histoire des Saxons proprements dits, c'est-à-dire de ceux qui envahirent nos côtes aux IV et Ve siècles, et y établirent des colonies d'abord indépendantes, mais qui finirent par se confondre avec les indigènes.

Les Saxons-Baiocassini ont eu à Bayeux comme

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