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gnent comme des pillards au premier chef, clandestinis incursionibus et latrociniis intenti. Enfin, les Saxons étaient à cette époque maîtres de quarante villes situées sur les bords du Rhin, villes qu'ils avaient dévastées et pillées en emmenant leurs habitants en captivité.

Or, ce fut peu de temps après que nos rivages, et notamment les côtes de la deuxième Belgique, de la deuxième et de la troisième Lyonnaise durent éprouver les mêmes atteintes. En effet, ce ne sont plus alors de simples promenades de pirates écumant les mers comme à la fin du IIIe siècle; mais c'est une véritable invasion territoriale dans le genre des invasions scandinaves et affectant les mêmes caractères.

Aussi, Ammien-Marcellin, historien contemporain des événements qu'il raconte, constate que, dès l'année 354, c'en était fait des Gaules, et que les barbares ne trouvant de résistance nulle part, y mettaient tout à feu et à sang : Nullo renitente, ad internecionem barbaris vastantibus universa.....

Enfin, ce même historien raconte en termes sommaires, il est vrai, mais pleins d'une effrayante énergie, l'apparition des Saxons sur nos rivages, qu'il fixe à l'année 368.

<< Gallicanos vero tractus, dit cet historien, Franci et Saxones iisdem confines, quo quisque erumpere potuit terra vel mari, prædiis acerbis incendiisque, et captivorum funeribus hominum violabant...

Spectacle analogue à la dévastation des villes situées. sur les bords du Rhin et remontant à 355, telle qu'elle est décrite par les historiens romains!

L'invasion de l'année 368 est, en effet, la plus terrible dont les historiens contemporains nous aient

gardé mémoire, et c'est vraisemblablement vers cette époque néfaste, c'est-à-dire vers la fin du IVe siècle, qu'il faut reporter la destruction presque radicale de ces villes gallo-romaines, autrefois si nombreuses dans les Armoriques, et dont nous retrouvons à peine aujourd'hui quelques traces.

Saint Jérôme fixe au règne d'Honorius et de Valentinien III l'invasion générale des Gaules, et ce grand écrivain s'exprime ainsi :

<< Innumerabiles et ferocissimæ nationes... Saxones... « universas Gallias occupaverunt... quidquid inter Alpes « et Pyreneum est, quod Oceano et Rheno includitur... " vastarunt. »>

Saint Prosper d'Aquitaine, lequel écrivait au commencement du Ve siècle, décrit ainsi l'état des Gaules:

« Quo scelere admisso, pariter periere tot urbes ?
Tot loca, tot populi quid meruere mali?

Si totus Gallos sese effudisset in agros

« Oceanus, vastis plus superesset aquis.............

« Quare templa Dei licuit popularier igni
a Cur violata sacri vasa ministerii ?

Voilà le tableau navrant de toutes ces cités galloromaines, cependant si florissantes au commencement du III siècle, et notamment en 238, lorsque les Viducasses élevaient dans la cité de Vieux la statue de Titus Semnius Solemnis sur un piédestal que nous possédons encore, et.qui est connu sous le nom de marbre de Thorigny.

Enfin, c'est vraisemblablement sous le flot des invasions saxonnes que périrent aussi dans nos contrées les établissements chrétiens fondés dans les Gaules par les premiers missionnaires de Rome et dont une

antique tradition fait remonter la première mission au pape saint Clément lui-même. C'est donc à ces terribles invasions qu'il faut naturellement attribuer la rupture que l'on trouve partout dans la chaîne des traditions religieuses et les lacunes inexplicables que présente, notamment dans nos évêchés normands, l'histoire des premiers temps du christianisme.

En effet, les historiens latins n'indiquant point que les Saxons aient rencontré de résistance à la fin du IVe siècle, comme ces barbares en avaient éprouvé à la fin du III, tout porte à croire que c'est vers cette époque que les Saxons s'établirent définitivement sur nos rivages; et ils ne tardèrent pas à les coloniser, se mêlant par degrés, comme plus tard les Northmans eux-mêmes, à la population indigène de nos côtes.

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ÉTABLISSEMENT DES SAXONS DANS LA DEUXIÈME BELGIQUE ET DANS
LES DEUXIÈME ET TROISIÈME LYONNAISES.

La Notice des dignités impériales, dont l'on fixe en général la date à la première moitié du Ve siècle, c'est-à-dire au règne de l'empereur Valentinien III (424-455), suppose déjà la seconde Belgique, ainsi que la deuxième et la troisième Lyonnaise occupées, sinon colonisées par les Saxons. En effet, ces barbares avaient déjà donné leur nom aux rivages dont ils s'étaient rendus maîtres, et la Notice impériale reconnaissait officiellement le fait accompli en baptisant elle-même nos côtes du nom de leurs conquérants, ou en les appelant le rivage saxon, Littus saxonicum.

Ainsi, cette Notice désigne notamment le littoral de la seconde Belgique, c'est-à-dire de la province de Reims comme étant déjà occupée par les Saxons :

« Equites Dalmatæ, dit cette notice, MARCIS in littore Saxonico. D

Quant à la deuxième Lyonnaise, il n'en est pas question, il est vrai, dans la Notice de l'empire; mais il n'en est pas moins incontestable que le littoral de cette province devait être à cette époque, au moins en partie, occupé par les Saxons, fait confirmé par des traditions de toute nature.

En effet, l'historien des temps mérovingiens, Grégoire de Tours, nous a conservé le nom de cette colonie vivace dont le centre était Bayeux, et qu'il désigne sous le nom de Saxones Baiocassini. Or, tout porte à croire que ce point du Bessin n'était que le centre des colonies saxonnes établies sur le littoral de la seconde Lyonnaise.

Sous un autre rapport, la Notice des dignités impériales indique sur les côtes de la deuxième Lyonnaise un nombre considérable de préfets, eu égard à son étendue, et notamment cinq préfets militaires en résidence entre les cours de la Seine et de la Rance, nombre de grands fonctionnaires qui ne saurait s'expliquer que par la nécessité de protéger et de défendre d'une manière toute particulière le littoral de cette province contre le retour d'invasions redoutées.

Ainsi, nous voyons des préfets militaires établis dans les villes de Rouen, de Portbail-Goué, de Coutances, d'Avranches et d'Aleth, toutes circonstances indiquant que les Romains, en subissant sur le territoire des Gaules les anciens pirates saxons, mêlés à la longue aux indigènes, n'en redoutaient pas

moins des invasions nouvelles de la part de ces écumeurs de mer.

Or, c'est vraisemblablement à la crainte des Saxons qu'il faut également attribuer sur nos rivages, et notamment sur les côtes du Bessin et de l'Avranchin, la construction de ces petits camps romains, établis au bord même de la mer, en général sur des lieux élevés, sur des falaises escarpées, et connus sous le nom général d'exploratoria ou de speculatoria, grandsgardes si utiles dans ces temps d'invasions par mer.

Ces petits camps romains, nous les retrouvons. encore entre autres à Bernières-sur-Mer, au MontCauvin, en regard de Port-en-Bessin, à Jobourg dans la Hague, à Lithaire et à Montchaton dans le Cotentin; enfin, dans l'Avranchin, au cap Lihou, sur le roc de Granville, ainsi qu'à Carolles; de même que ces exploratoria se rencontrent également dans les îles anglo-normandes du canal, telles que Jersey, Guernesey et Serck.

Ces grands-gardes étaient échelonnés sur nos côtes de distance en distance, toujours dans des situations dominantes d'où l'œil embrassait un vaste horizon et pouvait explorer dans toute son étendue ce canal de la Manche sillonné par les pirates saxons.

Quant à la troisième Lyonnaise, elle était aussi occupée, au moins en partie, par ces mêmes pirates; et le centre d'établissement des Saxons était vraisemblablement à cette époque Guérande, Grannona.

Ainsi, nous lisons dans la Notice des dignités impériales pour la troisième Lyonnaise ce qui suit : « Tribunus cohortis primæ novæ Armoricæ, Grannona in littore Saxonico. »>

Mais, tout porte à croire que Guérande n'était alors

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