Page images
PDF
EPUB

sous le nom de sax, seax..... et ils étaient considérés par les historiens romains, ainsi que les Franks, leurs voisins, comme les races barbares les plus belliqueuses de la Germanie, ce qui n'était pas peu dire : Nationes omnium bellicosissimæ, dit l'empereur Julien ; gens Saxonum fera est, dit Salvien.

Cette confédération n'existait pas encore, il est vrai, au temps de Tacite, lequel a cependant passé en revue dans sa Germanie tous les peuples de cette contrée; mais ce grand historien, en peignant les Germains en général, et notamment les Cattes et les Suèves, n'en a pas moins reproduit dans leur exacte vérité les traits saillants de cette confédération guerrière.

Au IVe siècle, le géographe Marcien d'Héraclée place les Saxons sur la rive droite de l'Elbe, Albis, et sur les bords de la mer du Nord, Oceanus Germanicus, c'est-à-dire à la base de la Chersonèse Cimbrique, Chersonesus Cimbrica, avec des îles situées à 750 stades de l'embouchure de l'Elbe, et portant alors le nom d'îles des Saxons, insula Saxonum appellatæ.

Quant aux Cattes, Catti ou Chatti, ils habitaient l'intérieur de la Germanie, sur la rive droite du Rhin et occupaient notamment la Hesse-Electorale, le duché de Saxe-Weimar et une partie du royaume de Saxe. C'étaient des peuples nomades, habitués au pillage, vivant de butin et faisant trembler leurs voisins toutes les fois qu'ils s'agitaient Clandestinis incursionibus et latrociniis intenti, dit Zozime.

Au reste, comme en général les barbares du Nord, les Saxons abandonnèrent par degrés leur territoire d'origine pour se porter vers l'occident; et c'est ainsi

que nous les voyons se fixer d'abord sur les bords du Rhin et pénétrer ensuite dans la Hollande elle-même, où ils prennent le nom de Frisons-Saxons.

Or, à la différence des Franks, les Saxons, ces barbares aux yeux bleus, étaient avant tout marins et navigateurs, écumant les mers sur des barques d'osier recouvertes de cuir, comme plus tard les Northmans, partis eux-mêmes à peu près des mêmes contrées ou de cette Chersonèse Cimbrique qui semble avoir été depuis les temps les plus reculés comme la fabrique du genre humain.

Au reste, les historiens du Ve siècle nous ont conservé un portrait des Saxons qu'il n'est pas sans intérêt de rappeler ici :

[ocr errors]

<< Tous les Saxons, dit l'évêque de Clermont, « Sidoine Apollinaire, sont autant de pirates de << premier ordre. En effet, lorsqu'il s'agit d'écu<< mer les mers, tous savent aussi bien commander << qu'obéir et enseigner qu'apprendre. Aussi le Saxon «< est-il le plus redoutable de tous les barbares, « tombant à l'improviste sur sa victime; mais se repliant de suite, s'il se voit attendu; en un mot, fuyant un ennemi averti pour se jeter sur une proie imprévoyante... Il fait du reste sans crainte l'ap«prentissage du métier de pirate à l'école des nauK frages, initié qu'il est de longue main à tous les périls de la mer, que dis-je! familiarisé avec eux, et bravant gaiement la tourmente dans l'espoir du butin, au milieu des vagues en furie qui ་ se brisent avec fracas contre les écueils et les « récifs.

[ocr errors]
[ocr errors]

"

"

"

« Enfin, avant de lever l'ancre et de remettre à la

voile pour retourner dans leur patrie, les Saxons

• sont dans l'usage de soumettre leurs captifs à une « décimation régulière et de les mettre en croix, « suivant une contume aussi superstitieuse que bar« bare. A cet effet, ils rassemblent donc en troupe << tous les prisonniers de guerre et tirent au sort « les victimes, croyant acquitter ainsi par ces sa" crifices humains leurs vœux envers leurs divinités «< féroces. Mais, bien autrement souillés par ces odieux sadriléges que rachetés par ces prétendus sacrifices expiatoires, les Saxons, en commettant << ces meurtres inouïs, s'imaginent qu'il est plus « agréable aux dieux de verser le sang des captifs que d'exiger d'eux une rançon. »

Or, Tacite, dans sa Germanie, avait déjà laissé un portrait à peu près semblable, sinon des Saxons eux-mêmes, au moins de membres importants de leur confédération ou de ces barbares nomades et pillards connus sous le nom de Cattes, Catti.

«Ils n'avaient, dit ce grand historien, ni maison, « ni champ, ni soin de quoi que ce soit, vivant au « hasard de butin, prodigues du bien d'autrui et sans « aucun souci du leur. »

[ocr errors]
[ocr errors]

« Nulli domus, aut ager, aut aliqua cura prout « ad quemque venere aluntur, prodigi alieni, con<< temptores sui. ›

Mais en revanche les Cattes, comme les Germains dépeints ci-dessus, étaient des guerriers aussi habiles que disciplinés, sachant avant tout obéir, garder leurs rangs, saisir les occasions et différer au besoin les attaques; en un mot poussant à un haut degré de précision cette tactique et cette discipline militaires si rares chez les barbares : tous traits caractéristiques des races appartenant à la grande

confédération saxonne, et que nous retrouvons notamment chez les históriens du Ve siècle.

Ces mêmes historiens constatent, en effet, chez ces peuples barbares, comme Tacite lui-même, l'habitude d'immoler des victimes humaines à leurs divinités cruelles, espérant les apaiser par ce mode d'expiation féroce.

Enfin, suivant Tacite, les Cattes et les Suèves laissaient depuis leur enfance pousser leurs cheveux et leur barbe à tous crins jusqu'à ce qu'ils eussent tué un ennemi. Or, par une singulière coïncidence, le plus ancien des historiens français, Grégoire de Tours, constate que de son temps les Saxons vaincus avaient conservé cet antique usage, et qu'ils laissaient encore pousser en signe de deuil, leur barbe et leurs cheveux jusqu'à ce qu'ils eussent vengé leur défaite dans le sang de leur ennemi.

II.

Quant à la première apparition des Saxons sur les côtes armoricaines, elle date de la fin du III' siècle, c'est-à-dire du règne des empereurs Dioclétien, Maximien-Hercule, et elle coïncide avec ces soulèvements populaires, connus sous le nom de Bagaudes, qui éclatèrent à cette époque dans les Gaules.

Ce fut, en effet, en l'an 286 que ces empereurs envoyèrent à Boulogne-sur-Mer Carausius, grandamiral de la flotte romaine, tant pour garder les côtes de l'Océan que pour assurer la sécurité de la mer: Ad observanda Oceani littora, quæ tunc Franci et Saxones infestabant, dit l'historien Paul Orose, ou per

tractum Belgica et Armorica pacandum mare..... quod Franci et Saxones infestabant, dit l'historien Eutrope.

Comme on le voit, les historiens de cette époque sont très-avares de détails. Cependant, dans leurs récits sommaires, l'on semble encore n'entrevoir que des pirates à leur début écumant les mers et pillant les côles, comme firent plus tard les premiers Northmans au commencement des invasions scandinaves; mais rien n'indique encore la pensée arrêtée d'établissements sérieux et durables sur nos rivages. C'est qu'en dépit des progrès rapides de la décadence romaine, l'empire était encore trop puissant à cette époque dans les Gaules pour permettre aux barbares de concevoir et de réaliser une entreprise aussi audacieuse.

En effet, près d'un siècle plus tard, les empereurs Julien et Théodose réprimaient toujours les Saxons ainsi que les autres barbares du Nord. L'empereur Constance-Chlore faisait exécuter en 356 les lois romaines qui ordonnaient la garde des ports et la surveillance des côtes. Enfin, c'est seulement en 409 que les Gaulois insurgés chassent les magistrats ro'mains qui les défendaient contre les barbares pour se constituer définitivement en république.

Cependant, vers la fin du IVe siècle, les invasions saxonnes avaient déjà pris un caractère menaçant, notamment sous le règne des empereurs Julien et Valentinien I. Ainsi, vers l'an 355, les Saxons, déjà maîtres du cours du Rhin, pénètrent jusqu'aux villes situées à son embouchure, et les Cattes, nationis sue pars, envoyés par la confédération saxonne, s'établissent chez les Bataves. Or, les Cattes sont, on le sait, ces barbares que les historiens romains dési

« PreviousContinue »