Page images
PDF
EPUB

NOTES ET COMMUNICATIONS.

Un acte du Parlement d'Ecosse à propos des lépreux (année 1400), par M. Guillouard,

Dans l'étude que nous avons publiée sur la condition des lépreux au moyen âge, et que la Société a bien voulu imprimer dans le tome XXIX de ses mémoires, nous disions que la condition du lépreux pauvre était au moyen âge très-dure, et qu'il n'avait pour vivre que le produit d'aumônes le plus souvent insuffisantes.

Nous venons de trouver dans les actes du Parlement de Robert III, roi d'Ecosse, tenu à Scone, le 21 février 1400, une preuve nouvelle de cette triste situation; le chapitre XL de cet acte prohibe la vente da pore ou du saumon corrompus: « Porci vel salmones corrupti non debent vendi. » Si quelqu'un en apporte au marché, si producantur ad forum, le bailli devra les saisir et les faire distribuer immédiatement aux lépreux, « cɩ incontinenti mittantur ad leprosos; » s'il n'y a pas de lépreux, les animaux saisis devront être immédiatement détruits: « Et si leprosi ibidem, non fuerint, penitus destruantur. » Voici, du reste, le texte complet du chapitre XL : « Statutum est, quod si porci vel salmones corrupti ad a vendendum producantur ad forum per quoscumque, capiantur per Ballivos. Et incontinenti mittantur ad

a

[ocr errors]

a leprosos, sine quæstione aliquali. Et si venditor aliquam a solutionem inde ceperit: reddat iterum emptori, sine difficultate aliqua. Et si nolit ad id faciendum consen« tire, distringatur per Ballivos. Et si leprosi ibidem non « fuerint, penitus destruantur.» (HOUARD, Coutumes anglo-normandes, II, p. 727.)

Il est difficile d'imaginer une misère plus profonde que celle où devaient être les lépreux, pour qu'on eût la pensée de leur envoyer comme nourriture des animaux dont la viande était corrompue. Et remarquons que le Parlement ne place pas sur la même ligne les lépreux et les pauvres qui, au XVe siècle, pas plus qu'aujourd'hui, ne devaient manquer dans les campagnes pittoresques, mais peu fertiles, de l'Ecosse. S'il n'y a pas de lépreux, les porcs et les saumons ne seront pas distribués aux pauvres, qui probablement n'en voudraient pas ; ils seront détruits.

Si le texte que nous citons n'était applicable qu'à la chair de porcs jugés malsains, il aurait peut-être une autre explication. Au XIVe siècle, la chair de parc, qui avait pendant longtemps formé la principale nourriture des peuples du Nord et de l'Occident, notamment des Gaulois et des Francs, tomba dans un grand discrédit, parce que le porc était souvent atteint de la lèpre,

En France, une ordonnance du prévôt de Paris, de 1375, complétée par une ordonnance royale du 19 décembre 1403, institua pour visiter les porcs amenés au marché de Paris, des officiers publics nommés languayeurs de porcs, nom qui leur avait été donné parce que c'était en examinant la langue de l'animal qu'ils reconnaissaient s'il était atteint de lèpre.

Des précautions minutieuses sont prescrites par l'ordonnance de 1403 pour le choix des languayeurs et

indiquent suffisamment quelle importance on attachait à cet office :

<< Aucun ne puet ou pourra doresnavant estre..... • langoyeur de pourceaulx..... s'il n'est mis, institué, « et à ce reçu par le maistre des bouchiers, qui pre«mièrement et paravant l'institucion se informera de « la suffisance, et semblablement ne pourra exercer « ledit mestier, se il n'est apleigé par devers ledit « maistre de gens suffisants qui l'apleigeront des faultes « qui pourroient estre faictes au temps à venir par lui

en exerçant icelui mestier, ainsi que d'ancienneté << est accoustumé de faire ; et se aucun est trouvé faisant le contraire, il l'amendera au Roy d'amende « arbitraire, de laquelle amende ledit maistre aura « la moitié. »

[ocr errors]

Des précautions analogues étaient prises pour le choix du «< tueur » de porcs, et l'ordonnance défend, sous peine d'amende, que la même personne soit « tueur et langoyeur » ensemble.

[ocr errors]

Un édit de mai 1704 remplaça les « langueyeurs par 30 jurés-vendeurs-visiteurs de porcs, mais un autre édit de mai 1705 rétablit les «< langueyeurs. » (Recueil des anciennes lois françaises d'Isambert, VII, p. 75, et XX, p. 445).

A cette époque où les porcs pouvaient être atteints de la lèpre, et où on prenait tant de précautions pour s'assurer de leur état, il eût été naturel de réserver pour l'alimentation des lépreux tous ceux qu'on aurait soupçonnés de cette maladie : les meseaux n'avaient pas à craindre la contagion. Mais tel n'est pas le sens de la décision du Parlement d'Ecosse d'abord elle ne s'applique pas seulement aux porcs atteints de ladrerie, mais à tous ceux qui sont reconnus impropres à l'ali

[ocr errors]

mentation, corrupti; puis, et ceci est décisif, cette prescription s'applique aussi aux saumons, qui évidemment étaient à l'abri de la lèpre.

Il faut donc voir dans l'acte du Parlement d'Ecosse une preuve nouvelle et convaincante du déplorable état des lépreux au moyen âge.

Établissement des Saxons sur les côtes de l'Armorique en général et dans la deuxième Lyonnaise en particulier, par M. H, Moulin.

Les invasions des Saxons sur les côtes armoricaines présentent beaucoup d'analogie avec les invasions scandinaves, et elles semblent même avoir procédé de la même manière,

Seulement, à la différence de la Grande-Bretagne qu'ils ont définitivement conquise et possédée, les Saxons n'ont jamais fondé dans les Gaules d'une manière durable d'établissements politiques proprement dits, et voilà sans doute pourquoi leur passage n'a laissé que des traces fugitives dans notre histoire. Aussi, faut-il réunir des documents épars et rassembler des textes isolés pour se faire une idée sommaire de ces invasions obscures qui se perdent dans la nuit des temps comme dans les ténèbres de l'histoire. Cependant, il est incontestable que, bien avant les invasions scandinaves, les races saxonnes se sont mêlées à nos anciennes races celtiques, notamment sur nos côtes, en leur infusant de leur sang germanique; et c'est peut-être à ce croisement de races que les populations du littoral armoricain doi

vent, indépendamment de leur stature, ce caractère tout particulier ou cette vocation décidée de marins et de navigateurs qu'ils ont gardée et qu'ils conservent toujours.

Sous un autre rapport, les invasions saxonnes ont dû, par la force des choses, faire fatalement table rase de la civilisation ancienne et anéantir les cités gallo-romaines avec leurs monuments, sinon les chrétientés déjà fondées dans les Gaules, surtout depuis Constantin; comme plus tard les invasions scandinaves firent à leur tour table rase de la civilisation mérovingienne elle-même, calquée, elle aussi, sur les traditions gallo-romaines qui n'avaient pas encore complètement péri.

Sous ces divers points de vue, il n'est donc pas sans intérêt de remonter le cours de ces invasions, en fortifiant les données historiques qui nous restent par l'étude des noms et des lieux, ainsi que par ces traditions vivaces, populaires, qui ne périssent jamais complètement, mais qui réflètent longtemps le souvenir des siècles les plus éloignés de nous.

Or, cette page d'histoire, nous n'avons pas la prétention de la faire; mais seulement d'en tracer ici quelques lignes.

I. PREMIÈRES INVASIONS DES SAXONS.

Les Saxons formaient au IVe siècle, sinon auparavant, une confédération de Germains, tous plus belliqueux les uns que les autres, comprenant certainement les Cattes, peut-être même les Sueves, et tirant leur nom de l'arme de guerre dont ils se servaient, c'est-à-dire d'une épée courte, désignée en allemand

« PreviousContinue »