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Note sur une découverte de Bijoux mérovingiens, au village de Valmeray, commune de Moult (Cal— vados), par M. Eugène de Robillard de Beaurepaire.

Depuis quelques années, les découvertes de sépultures de l'époque mérovingienne se sont multipliées en Normandie et ont été l'objet d'études consciencieuses et approfondies. A la suite de l'abbé Cochet, beaucoup de savants distingués se sont livrés avec succès à ces laborieuses explorations et ils ont été souvent assez heureux pour pouvoir apporter à la science des renseignements nouveaux et quelquefois même assez inattendus. La Société des Antiquaires de Normandie n'est pas restée étrangère à ce mouvement; et, autant qu'elle l'a pu, sur tous les points de sa circonscription, elle a provoqué ou encouragé des recherches de ce genre.

Au mois d'août 1868, des fouilles exécutées à ses frais, sous la direction de l'un de ses membres, M. l'abbé Lecointe, alors curé de Cintheaux, dans la commune de Conteville, mirent à découvert un très-grand nombre de fosses remontant toutes à une haute antiquité. Le lieu sur lequel portèrent les investigations était signalé comme étant l'emplacement présumé de la bataille du Val-des-Dunes.

« Les explorateurs, écrivait à cette époque M. Charma, « y ont recueilli différentes pièces qu'ils ne s'at<< tendaient pas à y rencontrer, de belles fibules, << entre autres des agrafes de ceinture habilement tra« vaillées, la lame d'un scramasaxe et d'autres objets • portant la trace de la même industrie et témoignant

« de la même civilisation. On reconnut aisément là l'époque si connue depuis les travaux de l'abbé << Cochet. Au lieu de Normands du XIe siècle, on « avait devant soi des Mérovingiens du VI ou du « VIIe siècle. Il y avait donc là dans les premiers a siècles une population considérable dont on avait jusqu'ici ignoré l'existence (1).

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Les tombes qui furent alors visitées, au témoignage de M. Noël, curé de St-Agnan, qui suivit les fouilles avec le plus grand soin, étaient au nombre de 81. Indépendamment des objets mentionnés par M. Charma, elles fournirent une très-belle agrafe en bronze, à trois pendants, qui eût mérité à tous égards l'honneur d'être reproduite par le dessin ou par la photographie (2).

A partir de ce moment, Conteville et ses abords ont été l'objet de recherches persévérantes, et presque chaque année, un propriétaire du pays, M. La Housse, y a pratiqué sur divers points des sondages qui tous, sans exception, ont donné d'heureux résultats. En 1869, après un travail de quelques heures, il rencontra deux sarcophages en pierre, juxtaposés et de grandeur inégale. A la tête du premier, mais en dehors, gisaient deux lames de fer mesurant 48 et 53 centimètres ; près de l'autre, se trouvait une bague en bronze qui, à raison de son étroitesse, ne pouvait avoir été passée qu'au doigt d'une femme ou d'un enfant; elle était accompagnée de nombreuses perles en verre brun et de petits fragments d'ambre et de bois troués et ayant fait partie d'un collier. Ces objets étaient aussi en

(1) Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie, t. V, p. 167. (2) Bulletin la Société des Antiquaires de Normandie, t. VI,

p. 35.

dehors du second sarcophage; cette situation anormale serait de nature à faire penser que le champ funèbre de Conteville aurait été, dans cette partie au moins, à une date déjà éloignée, plus ou moins profondément bouleversé.

Les explorations de 1874 ont été plus fructueuses. Les fouilles ont établi que le cimetière mérovingien, précédemment reconnu, se prolongeait à une assez grande distance vers l'ouest. En général, les sépultures se sont montrées à 1 mètre ou à 1 mètre 20 de profondeur; la plupart des corps avaient été vraisemblablement inhumés nus ou dans des coffres de bois ; les ossements, par suite, étaient presque tous mêlés à la terre et réduits, pour ainsi dire, en poussière. Les huit fosses, mises au jour dans le courant du mois de mars, ont donné un scramasaxe, cinq petits vases en terre, une belle fiole en verre brun de 22 centimètres de hauteur, ornée au goulot de filets irréguliers et portant à l'intérieur les traces d'un sédiment rougeâtre. Le déblai, repris le seize et le dix-sept avril, dégagea, dans la même direction, de nouvelles sépultures: trois, qui semblaient se confondre, furent explorées sans livrer aucun objet métallique. Elles avaient été antérieurement visitées. Tout auprès, une autre fosse, restée intacte, fut immédiatement attaquée. Elle se trouvait à une profondeur de 1,30°. Le corps couvrant un espace de 1m,80° de long sur 70 de large, avait été entouré de moellons plats, rangés avec symétrie, disposition assez fréquente, que l'on a observée notamment d'une façon constante au cimetière mérovingien d'Ussy. Le mobilier funéraire se composait de deux fibules ansées de petite dimension et de deux fibules rondes, l'une pleine, l'autre à jour, offrant toutes

deux un ornement de forme cruciale enfermé dans un cercle. Ces objets sont en bronze; l'une des fibules rondes paraît avoir été argentée. A côté des fibules se voyait une longue chaînette en bronze, d'une parfaite conservation. « Ses extrémités, écrivait M. l'abbé. « Noël, gisaient à droite et à gauche des os du bassin. Elle se croisait sur la poitrine du mort et passait « derrière le dos. » Dans son état actuel, cette chaînette mesure 1m,47: elle se compose de 70 anneaux, ayant la forme de 8 passés les uns dans les autres, et se termine à l'une de ses extrémités par un crochet plat n'ayant pas moins de 8 centimètres.

Deux autres sépultures voisines de celles-ci ayant été fouillées peu de moments après, révélèrent, aux yeux exercés de M. Noël, la trace, sur la poitrine des décédés, de chaînettes en fer très-oxydées, rappelant par leur forme, leur longueur et leur position, la chaînette en bronze découverte précédemment. Il est, d'ailleurs, aujourd'hui certain que beaucoup de morts inhumés à Conteville portaient au cou des chaînettes de fer venant se croiser sur la poitrine. Dans ses diverses explorations, M. La Housse avait souvent remarqué de longues traînées de poussière brune annonçant la présence d'objets en fer rongés par la rouille; il avait en outre recueilli, à la partie supérieure des fosses, des quantités considérables de petites mailles en fer. Il est facile d'y reconnaître aujourd'hui les restes de chaînettes détruites par le temps. Nous devons ajouter que la présence de chaînes ou de chaînettes en bronze et surtout en fer, est bien loin d'être un fait anormal dans les sépultures mérovingiennes. Dès 1773, l'archéologue anglais, Bryan Faussett, lors des explorations qu'il entreprit dans le comté de Kent, avait reconnu l'existence

d'une chaînette en fer, dans le tombeau d'une femme, à peu près à la hauteur de la ceinture. A son tour, M. l'abbé Cochet en a signalé plusieurs dans les tombes d'Envermeu explorées en 1867. Il devait en être de même pour les tombeaux d'une date plus reculée, car, en fouillant le cimetière gaulois de Somsois, M. Morel a également pu recueillir deux chaînettes en fer, deux chaînettes en bronze et une chaînette en argent. Les anneaux de ces chaînes, comme ceux de la chaîne de Conteville, présentent la forme d'un 8.

C'est à deux kilomètres de distance de cet emplacement si riche en débris anciens, sur le territoire du village de Valmeray, en la commune de Moult, qu'a eu lieu, le 4 mars dernier, la découverte d'un intérêt plus considérable dont je dois maintenant vous entretenir. Ce jour là, un sieur Lejeune était occupé à extraire du sable pour le compte de M. Le Tourneur, maire d'Airan, dans un champ appartenant à M. Cholet et situé sur le bord de la route de Caen à St-Pierre-surDives, lorsque tout d'un coup il rencontra, à une profondeur de 1 mètre 50, un amas de terre grisâtre tranchant sur le fond jaune du sable et semé d'ossements humains et d'objets métalliques.

Les ossements réduits pour ainsi dire en poussière furent malheureusement négligés par Lejeune, qui s'occupa exclusivement de recueillir les ornements précieux qu'un hasard favorable mettait à sa disposition. I put cependant reconnaître deux dents et un fragment de mâchoire. Une dent seulement nous a été remise par M. Le Tourneur. C'est une molaire très-petite et d'une excellente conservation. Dans l'opinion du docteur Le Véziel, à l'examen duquel nous l'avons

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