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Les archives du bailliage se composent de dossiers, de minutes de jugements civils et répressifs, de procèsverbaux concernant la justice criminelle, les expertises entre particuliers, les enquêtes, etc., de registres tenus pour la marche régulière des affaires, de plumitifs, de cahiers d'insinuations hypothécaires, de documents relatifs aux déclarations de défrichement (ordonnance de 1766), aux délibérations des tribunaux de famille, et d'une foule d'autres papiers se rapportant à l'administration judiciaire.

La plupart des minutes, procès-verbaux, etc., se trouvent réunis en liasses dont la plus ancienne remonte à l'année 1745. A partir de cette époque jusqu'à la Révolution, on en compte une soixantaine réparties en trente années, 1746 à 1749, 1764 à 1789. De 1750 à 1763, il ne se rencontre que quelques actes épars.

Toute cette portion du fonds paraît n'avoir qu'une importance locale et privée. Je ne la crois pas, à part quelques renseignements sur l'économie de la procédure, la rédaction des documents de justice, la compétence des tribunaux inférieurs, susceptible de fécondes ressources pour l'histoire générale du pays.

La seconde section, de beaucoup la plus précieuse, comprend les registres ou papiers des baptêmes, fiançailles, promesses de mariage, mariages et sépultures des paroisses de l'ancien comté de Mortain.

Ces sortes de recueils, indistinctement appelés aujourd'hui de l'état civil, quoique leurs inscriptions, soit en totalité, soit en partie, n'aient pas toujours eu force égale probante (1), étaient dressés par les ministres du culte catholique. Les ordonnances de Villers

(4) Ordonnance de Villers-Cotterets.

Cotterets (1539) et de Blois (mai 1579), en rendant leur tenue obligatoire, paraissent leur avoir comme conséquence reconnu le pouvoir de faire foi en justice; le Code Louis du mois d'avril 1667 le déclare expressément.

Les plus récents parmi ceux classés aux archives du tribunal de Mortain sont les doubles qui, aux termes de la déclaration du 9 avril 1736, devaient être centralisés au greffe du bailliage (1) et que l'on a retrouvés en grand nombre dans le chartrier du duc d'Orléans, au château du comté, dont ce prince était titulaire. Les anciens, pour la plupart uniques originaux, ont été recueillis un peu partout. Quelquesuns, appartenant à des localités ayant ressorti au bailliage d'Avranches et dépendant actuellement de l'arrondissement de Mortain, figurent dans les rangs de la collection. D'autres, bien que concernant des communes de l'Avranchin, y sont restés annexés, ces localités ayant été, dans un temps, réunies à la circonscription de Mortain et leurs registres reliés avec l'ensemble.

Toutes les anciennes communes du Mortainais dont deux n'existent plus depuis une époque déjà éloignée (2), se trouvent là représentées, avec l'hospice de Barenton et le chapitre de la collégiale de Mortain, chacune par un certain nombre de cahiers. Le plus vieux de ces cahiers remonte à l'an 1529,

(1) Auparavant, la loi exigeait l'apport de l'original lui-même, la rédaction d'un double n'étant pas prescrite (ordonnances de 1539 et -de 1579).

(2) Le Rocher, réuni à Mortain en 1791, et Moutons, réuni à St-Clément en 1793.

date à laquelle la législation civile ne s'était point encore préoccupée de la fixation régulière de l'état des citoyens. Il provient de la paroisse de Sourdevalla-Barre et fut à l'origine rédigé en latin. On en remarque un autre assez curieux, commencé en 1585, qui émane de St-Michel-de-Chasseguey.

La collection dont je parle se divise en trois séries. La première, très-incomplète, se compose de feuilles séparées, de liasses, de registres de formes diverses détachés ou rapprochés sous un même brochage. Elle renferme les documents les plus reculés répartis en 150 cahiers. La seconde contient 187 volumes reliés, de 1690 à 1787, et la troisième 75 aussi reliés, de cette dernière date à l'an X. Des inventaires un peu confus, mais assez complets, de ces vieux titres existent au greffe du tribunal.

Il n'entre pas dans mon dessein de faire maintenant de tout cela une étude approfondie. Je ne puis cependant m'empêcher de signaler combien un premier coup d'œil général m'a donné bonne opinion de ces actes, et comme j'ai déjà été amené à y reconnaître, au point de vue des curiosités de leur confection, de sérieux intérêts.

Les uns sont dressés avec ampleur et remplis de toutes les indications utiles, souvent même de renseignements superflus; les autres n'ont qu'une ligne. La date de la naissance manque dans certains constats de baptême. Il est des rédactions qui contiennent des appréciations élogieuses sur les personnes qui y figurent, notamment les défunts. Les plus âgés d'entre les actes ne sont pas en général signés; beaucoup ne sont souscrits que des noms des ecclésiastiques qui les ont libellés; ailleurs, au contraire, on voit les signatures des compa

rants, des témoins, des parrains et marraines, des intéressés à titres divers, leurs croix, marques ou autres signes quelconques. Écrits avec plus ou moins de soin, à la file les uns des autres, ces titres sont, dans une foule de paroisses, accompagnés de mentions marginales qui en précisent la nature et indiquent les noms des parties, et de numéros susceptibles d'en faciliter la recherche. On en rencontre avec des indications destinées, selon toute apparence, à appeler l'attention.

Une partie des registres comprend, outre les documents se rapportant aux trois phases principales de la vie civile et religieuse, les promesses de mariage, les actes de fiançailles et contient des pièces annexes aux mariages; un très-grand nombre, au contraire, ne constate que les baptêmes, les mariages, les inhumations. Il y a des paroisses qui ont des registres pour chaque espèce d'actes.

Plusieurs cahiers renferment des inscriptions étrangères à leur objet; on y trouve l'énoncé de remèdes médicinaux pour le moins singuliers, des reçus de sommes, des transactions relatives aux biens d'église, des prières, etc. L'un des recueils de St-Martin-duMesnil-Rainfray présente un modèle de prône. Des dessins bizarres, des kyrielles inintelligibles de mots sans lien, des tentatives de reproduction littérale, à la suite d'actes, du contexte de ces actes mêmes, semblent indiquer que trop souvent les registres, placés dans des lieux d'où il était aisé de les distraire, ont servi aux jeux des enfants, aux premiers essais de gens illettrés, en un mot aux usages les moins conformes à leur destination.

Quelques-uns paraissent avoir été exposés à la fumée dont ils gardent des traces gênantes pour la lecture:

ils pourraient avoir été victimes d'un commencement d'incendie. Les plus rapprochés en date sont pour la plupart rédigés sur papier soit timbré, soit spécial; ceux du siècle dernier et de la fin du précédent portent, avec les mêmes énonciations qu'aujourd'hui, les cotes et paraphes des fonctionnaires successivement chargés d'opérer le travail préparatoire de leur établissement (1). Plusieurs se closent, tantôt par des tables sommaires, tantôt par la signature de l'officier préposé à la réception du dépôt au greffe du bailliage. A certaines pages, on remarque le visa de l'archidiacre de Mortain en tournée.

Avant de terminer cette brève notice, il convient de dire un mot des remarquables couvertures qui, aux premières années de ce siècle, servirent au brochage d'un certain nombre de cahiers appartenant à la période la plus ancienne.

Ce sont de splendides feuillets arrachés aux antiques missels de la célèbre abbaye de Savigny, près Mortain. Ces feuillets, en fort parchemin, quelques-uns presque entiers, présentent de beaux modèles de l'écriture employée jadis pour la composition des manuscrits sacrés. Les lettres formant têtes de chapitres ou de versets, parfois enguirlandées de fleurs, ont été revêtues de couleurs variées qu'une peinture ineffacée a conservées jusqu'à nos jours avec leur vigueur première; on en remarque de dorées et d'argentées. Au seuil des principaux passages, on admire des enluminures, des dessins curieux, entre autres une tête de moine âgé ricanant, qui est du plus bel effet.

Toutes ces pages, derniers souvenirs de merveilleux

(1) Edits d'octobre 1619, juin 1705 et juillet 1709.

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