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dans un autre procès, dont l'issue fut loin de lui être favorable.

Un nommé Lepost avait pris à ferme de l'abbaye d'Aulnay, la perception des dîmes auxquelles elle avait droit dans les deux paroisses de Ranville et d'Hérouvillette. En cette qualité de fermier de la dîme, il fut imposé à la taille, à Ranville d'abord, puis à Hérouvillette, pour une somme de 90 livres.

Lepost répondait que son bail, émanant d'un propriétaire unique, formait un seul titre qui n'était pas susceptible d'être divisé ; qu'à la vérité, il devait la taille comme fermier de l'abbaye, mais qu'il n'en devait pas deux. Que, du reste, il lui importait peu de la payer à Ranville ou à Hérouvillette.

Les habitants d'Hérouvillette répondaient que, quel que fût le propriétaire, les deux dîmes n'avaient rien de commun, puisque l'abbaye n'avait que le tiers des dîmes de Ranville, tandis qu'elle avait la totalité des dîmes de leur paroisse.

La contestation fut portée devant l'élection de Caen, et le 17 mai 1756, il intervint une décision dont nous ignorons les dispositions, mais qui fut réformée par un arrêt de la Cour des aydes du 1er février 1757. Cet arrêt fut cassé à son tour par un autre arrêt du Conseil d'État, lequel, évoquant l'affaire, renvoya la cause et les parties devant l'intendant de la généralité de Caen, en lui donnant les pouvoirs les plus absolus, avec les attributions les plus étendues, sauf recours au Conseil.

Le débat prit alors des proportions inattendues. Les habitants d'Hérouvillette produisirent au procès la copie d'une charte de l'année 1234, qui fut arguée de faux. Une sentence, qui congédiait du procès les habitants de

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Ranville, d'abord mis en cause, avait subi, dit-on, des altérations qui furent imputées aux procureurs des parties. Les jugements n'étant pas alors motivés, nous n'avons pas les éléments nécessaires pour apprécier la nature et la gravité de ces accusations. Ce qu'il y a de plus clair et de plus positif, c'est qu'il intervint, le 7 décembre 1761, une ordonnance de l'intendant de la généralité de Caen, commissaire du Conseil en cette partie, qui condamna les habitants d'Hérouvillette à • restituer à Lepost les sommes auxquelles ils l'avaient imposé dans leur rôle détaillé. Ensemble, lesdits << habitants d'Hérouvillette, M. Charles-Nicolas Lequesne « et messire Nicolas Yselin, procureurs en l'élection de « Caen, savoir: lesdits habitants d'Hérouvillette, en « cinq cents livres d'intérêts; ledit messire Lequesne, « en deux mille livres aussi de dommages et intérêts ; « et ledit messire Yselin, solidairement avec ledit mes<< sire Lequesne, en cinq cents livres de pareils dom«mages et intérêts et aux dépens auxquels, vu l'abus marqué que ledit messire Lequesne a fait de son << ministère, l'interdit de ses fonctions pendant l'inter<< valle de six mois. D

On sait qu'un sieur Boulon Moranges obtint la concession de vingt mille arpents de terres vaines, vagues et incultes, situées dans la province de Normandie. Les communes, menacées dans l'usage de leurs bruyères et de leurs marais et les seigneurs dans la propriété du sol, dont presque partout ils se prétendaient les tréfonciers, d'après la maxime: Nulle terre sans seigneur, opposèrent la plus vive et la plus énergique résistance. Pour les marais de Troarn, par exemple, l'abbaye invoquait ses chartes; les habitants remontraient les dépenses considérables qu'ils venaient de

faire, trois ans seulement auparavant, pour ouvrir le canal de la Divette et pour construire la chaussée de Robehomme Sannerville et Toufreville. Pour leurs bruyères, ils invoquaient des arrêts du Conseil. La commune d'Hérouvillette ne prit pas une part bien active à la lutte. On ne voit apparaître, du nombre de ses habitants, que l'abbé Tardif qui disait qu'il jouissait de trois pièces de terre en bruyère dans la paroisse d'Hérouvillette, qui lui appartiennent pour avoir été achetées par son père de M. le comte de Marcy, baron d'Audricourt, et qu'il s'opposait, en conséquence, à ce que ce terrain fût inféodé au sieur de Boulon Moranges.

Les prétentions du concessionnaire eurent peu de succès dans nos contrées; les habitants conservèrent leurs droits d'usage. Puis la Révolution étendit leurs droits, bien loin de les restreindre, et la plupart des communes furent appropriées de bruyères et marais sur lesquels elles exerçaient leurs droits d'usage.

La vaste bruyère, encadrée entre les paroisses de Bréville, Bavent, Troarn, Sannerville, Touffreville et Écoville, a été partagée en 1845, et, chose que je ne puis m'expliquer que par des changements déjà fort anciens dans la délimitation des paroisses de Bréville et d'Hérouvillette, c'est que Bréville fut exclu du partage, tandis qu'Hérouvillette, qui ne touche maintenant à la bruyère par aucun point, obtint une portion d'une étendue de seize hectares.

Cette raison nous expliquerait peut-être pourquoi le hameau, dit le Mesnil de Labarre, était autrefois, au moins pour le culte, de la paroisse d'Hérouvillette, ainsi que cela nous a paru ressortir des dires et soutiens faits lors du procès entre le curé et les habitants de Ste-Honorine.

La transaction de 1711 a reçu son exécution jusqu'au moment où la Révolution, en 1793, ferma l'église et la chapelle à la fois.

Le curé était alors l'abbé Lequeux, lequel avait succédé à M. Esnault, mort en 1785, à l'âge de 86 ans.

L'église d'Hérouvillette resta longtemps fermée après le concordat de 1801. La paroisse fut réunie pour le culte à celle d'Ecoville, sauf le hameau de SteHonorine, qui fut annexé à la paroisse de Colombelles.

Il en fut ainsi jusqu'en 1829. La paroisse fut reconstituée telle qu'elle était anciennement, c'est-à-dire avec Ste-Honorine; mais la chapelle n'a pas recouvré son existence canonique. Ce n'est plus qu'un simple oratoire où se dit encore une messe basse le dimanche matin et qui est célébrée par un prêtre non résidant, aux frais du château et des habitants.

Le peu qui nous reste des comptes des trésoriers des fabriques des deux églises fournissent sur la valeur des terres et de quelques autres objets, des renseignements qu'il n'est peut-être pas sans intérêt de recueillir.

En 1636, les terres d'obit de la chapelle de SteHonorine, contenant cinq acres et un quart de vergée (1), étaient louées 40 livres 18 sols. Le prix maximum de chaque vergée était pour la meilleure terre de 76 sols 6 denies (3 sols la perche) et le prix minimum des terres inférieures 10 sols ou moins de 6 deniers la perche. A la même date, les meilleures terres de la fabrique d'Hérouvillette ne dépassèrent pas 50 sols la vergée.

(1) L'acre de 4 vergées; la vergée de 25 perches; la perche de 24 pieds.

Dans ce même compte, il est porté en dépense une somme de 6 livres 10 sols pour les gages du custos.

Plus 30 sols payés à ce même custos pour être allé à Bayeux, au synode, pour se présenter en la cause concernant la chapelle de Ste-Honorine.

Il est payé 12 sols pour 2 livres de chandelle peinte pour la messe de minuit et 28 sols pour 2 pots de vin.

On remarque dans un compte de l'année 1697 un article de 16 sols payés au custos pour avoir sonné les cloches la nuit de la Toussaint, probablement à cause de l'office des morts qui se célèbre le lendemain. Nous notons cet article comme réminiscence d'un usage que nous croyons tombé en désuétude.

Les communes rurales, dans les temps antérieurs à la Révolution de 1789, n'avaient pas une organisation bien déterminée. Les justices seigneuriales suppléaient dans certaines limites à nos justices de paix actuelles. Les affaires qui intéressaient la communauté des habitants étaient délibérées dans des assemblées où l'on appelait les habitants et possédant fonds. Elles se réunissaient à l'issue de la grand'messe, où l'on manquait rarement alors, et souvent dans l'une des salles du presbytère. Un mandataire nommé à la pluralité des suffrages était, au besoin, chargé de poursuivre l'exécution de la délibération. C'est dans une réunion de ce genre que fut acceptée et signée la transaction de 1711 par les habitants de Ste-Honorine. Un syndic était chargé de faire exécuter les ordres des intendants dans les paroisses de campagne.

Le syndic était, en 1789, un sieur Duhomme, qui fut aussi le premier maire d'Hérouvillette. Il fut élu au mois de juin 1790.

Nous avons peu de renseignements sur le degré

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