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Marie, dernière baronne de Creully, épousa Guillaume de la Vierville, dont le petit-fils Artus épousa Jacqueline de Briqueville et en eut une fille :

Marie, dame de Creully et du Bosroger, qui épousa en premières noces le seigneur de Bacqueville, et en secondes noces Jean de Sillans, seigneur d'Hermanville et d'Artoit. Les Sillans prirent dorénavant le nom de barons de Creully; et demeurèrent seigneurs de ce lieu jusqu'à la mort de Catherine-Madeleine, la dernière des Sillans en 1704. Elle avait épousé René de Carbonnel, marquis de Canisy.

Il existe aux archives nationales, un acte d'André de Sillans, relatif à une tapisserie de Creully, qui vaut la peine d'être rapporté :

J'ai André de Sillans, esc. Sr du Boisroger et d'Ardoy, héritier de feu Messire Pierre de Sillans, et de dame Claude de Balsac, [ma] mère, soubzsigné, confesse avoir eu et reçeu de Monsieur 'Evesquelet Conte de Noion [Charles de Balzac], mon oncle, la somme de quatre centz cinquante livres pour et à cause de la vente que je luy ay faicte d'une tapisserie de laine et sargette de l'histoire d'Herculles, contenant sept pièces, qui estoit eschue en partage à feu mon frère et à moy de la succession de nostre grand'mère dame de Creully, [Jeanne Herbert d'Aussonvilliers] et du Bréau, laquelle tapisserie je prometz guarantir au dict sieur evesque envers tous et contre tous.

Faict à Paris le troisiesme jour de juillet l'an mil six centz et deux. André de SILLANS (1).

Creully devint ensuite la propriété du ministre Colbert, dont un des descendants, Edouard Colbert, le possédait encore en 1750.

La baronnie de Creully avait dans sa mouvance un nombre considérable de fiefs: c'était un chef-lieu de sergenterie à l'épée, noble et héréditale.

Le doyenné de Creully comprenait 40 paroisses et s'étendait jusqu'à la mer.

La chapelle du château était sous l'invocation de NotreDame. Il existe aux archives du Calvados, la description de la prise de possession de maître Jacques Lejeune, prêtre-curé de Coulombiers-sur-Seulles et doyen rural de Creully, le

(1) Bibl. nat. P. G. 2704.

mercredi 26 août 1665, sur la présentation de M. le marquis de Creully; la collation lui en fut donnée le 6 août par Mgr de Bayeux.

Les écuries, construites par Antoine III de Sillans, mort en 1641, servent aujourd'hui en partie de logement de

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concierge; on y voit une peinture à fresque du XVIIe siècle représentant un cheval de grandeur naturelle au galop, assez curieuse. Il en existait une autre qui a récemment disparu.

L'emplacement et les restes du château primitif, dit Caumont, sont reconnaissables au milieu des constructions de différents

âges qui composent l'ensemble du chateau actuel ; ce château était à peu près carré. Sa partie la plus curieuse est constituée par les caves, avec de belles voûtes romanes à nervures admirablement conservées, mais dont une partie est encore obstruée par des aménagements intérieurs que le propriétaire se propose de détruire. Ce qu'on appelle le donjon est une tourelle d'escalier du xve siècle, surmontée d'une tour d'observation : le donjon lui-même forme le corps principal du château actuel. Deux tours dominent cet ensemble imposant l'une octogone du xve siècle, l'autre terminée par un appartement carré qui fait saillie, est couverte par un toit en pyramide du temps de Louis XIII. Il faut monter sur une des terrasses pour voir de près une élégante cheminée à moulures du XIVe siècle. L'addition hémisphérique de la façade est du xvie siècle cette façade est gâtée par des persiennes en bois à claire voie qui lui enlèvent tout son caractère, et empêchent de voir les jolies fenêtres renaissance surmontées des armes des Sillans.

Les murs d'enceinte extérieurs conservés, sont en grande partie couverts de lierre; les fossés ont été envahis par une végétation luxuriante, mais on retrouve néanmoins le tracé des fortifications et des ponts : ils semblent remonter au XIIe siècle.

M. Guilbert est décidé à faire à Creully des travaux de restauration très importants; il fera là une œuvre dont tous les savants et tous les archéologues lui seront reconnaissants, et nous ne doutons pas que d'ici à quelques années, sous son intelligente impulsion, l'aspect intérieur du château n'ait été entièrement transformé, et que l'extérieur de la vieille forteresse n'ait retrouvé son allure moyenâgeuse.

En partant, notre président appose sa signature au nom de la Société, sur le registre des visiteurs, qui vient d'être ouvert aujourd'hui même, en notre honneur.

L'église de Creully, sous le vocable de saint Martin, située sur la place du bourg, est en majeure partie romane : la tour et la façade sont modernes; elle se compose d'une nef avec bas-côtés, d'un chœur à chevet droit et de chapelles.

Du côté de l'épître, se voit le tombeau du XVIIe siècle d'Antoine III de Sillans (1). Le marbre du tombeau d'Antoi

(1) Sillans, barons de Creully: d'argent à un sautoir engreslé de gueules chargé de cinq besans d'or.

nette II de Sillans, incrusté aujourd'hui dans le pavé du sanctuaire, porte une longue inscription gothique en vers. Sous le chœur règne un caveau sépulcral renfermant quelques fragments remarquables de tombeaux.

CREULLET

Nous revenons sur nos pas jusqu'à Creully, où nous tournons à droite; nous descendons une pente rapide, et après avoir traversé une large vallée, nous arrivons en face du château de Creullet.

Fort jolie résidence du XVIIe siècle, cette demeure d'importance moyenne, tire son charme de son architecture régulière, avec ses perrons, ses grandes fenêtres, ses deux belles façades surmontées d'écussons sculptés et de sa situation, qui lui permet de dominer une riante et riche vallée. Son parc aujourd'hui rétabli à la française, comme au temps où il fut dessiné, semble s'étendre à perte de vue dans la campagne normande. Le regard n'est arrêté que par les bouquets d'arbres groupés ici et là dans les prairies, coupées des charmantes rivières de la Thue et de la Seulles, comme si le paysage tout entier avait été ménagé par un habile architecte de jardins, pour le plaisir des yeux. Une grande impression de calme se dégage de cet ensemble, que des troupeaux animent au loin.

La disposition de l'entrée des terrasses, des grilles et même des ornements qui les garnissent, offre une grande ressemblance avec le château de Brécy et porte la signature du même architecte ; c'est donc à François Mansard, l'oncle par alliance de Jules-Hardouin, qu'il faut attribuer la construction de Creullet.

Le parc, à la française, met en valeur la belle harmonie de la construction, l'heureuse disposition des terrasses, et l'habile aménagement qu'on a su faire des eaux.

A l'extrémité d'un tapis vert, encadré de terrasses que soutiennent des murs bas, ornés de grilles et de statues champêtres, le château se reflétait dans un vaste miroir d'eau réminiscence ou prélude de Versailles. Les eaux

ont malheureusement baissé depuis deux ans, et le miroir est à sec.

On dit que le château de Creullet fut construit sur l'ordre de Louis XIV, pour Mlle d'Héricy (1);

Au commencement du XVIIIe siècle, il était venu par héritage à la famille de Quincé (2).

Le dernier seigneur féodal fut Jacques-Thomas de Vauquelin (3) dont la fille unique, Bonne-Charlotte, épousa en

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1783, Nicolas-Anne Morin, marquis de la Rivière. Nous verrons un charmant portrait d'elle, au pastel, dans un des salons du château de Vaucelles. Vers 1845, M. de la Rivière vendit Creullet au comte de Montlivaut, préfet du Calvados.

M. Labbey de Druval en est aujourd'hui propriétaire, et sous son aimable conduite nous pouvons visiter le parc. Dans les communs, se trouve l'ancienne chapelle, aujourd'hui transformée en écurie: On y inhuma, le 5 avril 1725,

(1) D'Héricy: d'argent à 3 herissons de sable, 2 et 1.

(2) Quincé d'or à un aigle à 2 têtes de sable, le vol abaissé accolé de trois hures de sanglier de même posées 2 en chef, 1 en pointe.

(3) Vauquelin: d'azur à un sautoir engrelé d'argent, accompagné de 4 croissants d'or.

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