Page images
PDF
EPUB

ta et se fist mestre un prie-Dieu et un fauteuil soubs la lampe, où il se rendit accompagné de 7 ou 8 officiers, précédés de 6 mousquetaires. Après, il fust, avec la ville, mestre le feu au buscher, au bruict de toute la mousqueterie de la ville et du canon du Chasteau, lequel avoit tiré, à 4 heures du matin, un nombre de 30 coups, et, lors du feu, autant, à 9 heures du soir, autant; et à 1 heure après minuict, encore une vollée.

Il y avoit, pendant la nuit, quelques illuminations aux fenestres des bourgeois, mais peu, à cause de la misère et des taxes qui ne cessoient poinct, au grand chagrin de tout le peuple. M. l'Intendant donna un repas public magnifique aux dames; après quoy, il Ꭹ eust bal et jeu. Il fist couler deux pièces de vin pour le peuple à sa porte.

Aujourd'huy, 3 juin 1715, M. Urbain des Planches, escuyer, sieur de Cloville (1), a esté installé à la place d'advocat du Roy, par la vente qui luy en a esté faicte par M. de Croisilles, président au Présidial, qui avoit

[ocr errors]

<< Mardi, 11 décembre. La Compagnie apprend que M. de Loubert d'Arde, lieutenant pour le Roi aux ville et château, est arrivé hier soir à Caen, est allé le saluer en l'hostellerie où pend l'enseigne de la Victoire. L'huissier lui avait présenté le vin de la ville. Ensuite, les lettres de provision ont esté registrées ». (Reg. de l'Hôtel de Ville, C. 83, fo 68.)

M. de Loubert renouvela les mêmes prétentions que M. de la Croisette. Il exigea un fauteuil et un prie-Dieu soubs la lampe. Les temps étaient changés; Messieurs de la Ville peut-être aussi, car M. de Loubert s'y mit... et y resta.

(1) Urbain des Planches, sieur de Closville, donna sa démission d'avocat du Roi en 1739. En 1731, il fut un des trente membres de l'Académie de Caen, qui se réunirent dans le palais épiscopal, sous la présidence de Mgr de Luynes, pour réorganiser la Compagnie. Il mourut le 22 avril 1758, à l'âge de 76 ans, et fut inhumé dans l'église Saint-Jean.

possédé ladite charge auparavant qu'il eust traicté de ladite charge de président.

Aujourd'huy, 19 may 1715, on a célébré une grande feste à l'abbaye de Saincte-Trinité de Caen, en l'honneur des relicques de saincte Lucinie, que M. le mareschal de Tessé, frère de Madame l'Abbesse, avoit apportées de Rome depuis peu. Il y a eu sermon le premier jour, au milieu de la semaine, et le dernier. La pluspart des processions de la ville y ont esté en grande cérémonie. Il y a eu un grand concours de peuple et beaucoup de dévotion; il y en auroit eu encore davantage sans un différend que Madame l'Abbesse eut avec Monseigneur de Nesmond, évesque de Bayeux, au sujet de la manière dont on debvoit en user à l'ouverture de ceste cérémonie. Monseigneur vouloit que les chanoines du Sépulchre, avec tout le clergé de la ville, la fissent et Madame vouloit que les religieux de l'Abbaye de Sainct-Estienne prissent les relicques cheux eux et les apportassent en cérémonie à l'Abbaye : ce qui fust cause que Monseigneur le deffendist aux religieux (1). L'ouverture se fist par une procession des prestres ausmoniers de ladite Abbaye, autour de la cour, le plus solennellement qu'il se put; la pluspart des parroisses n'y furent poinct à cause de l'incident.

Le dimanche, 16 juin 1715, Messire François de Nesmond, évesque de Bayeux, est mort dans son palais à Bayeux (2), aagé de 86 ans, au grand regret de tout son diocèse et, en particulier, de tous les pauvres. Il y avoit 53 ans qu'il possédoit son évesché. On l'enterra

(1) Mgr de Nesmond détestait les Bénédictins de Saint-Étienne et leur avait cherché querelle, chaque fois que l'occasion s'était présentée, pendant le cours de son long épiscopat.

(2) Sur ce prélat, voir 1re partie, à la date du 30 juillet 1690.

le samedy, 22 dudit mois, en la manière ordinaire, à Bayeux, dans le chœur de sa cathédrale; Monseigneur de Lisieux fist l'inhumation.

En conséquence de la mort de Monseigneur de Nesmond, évesque de Bayeux, le Chapitre de Bayeux, devenu maistre du temporel et du spirituel de l'évesché, jusques à ce que le Roy y ait pourveu, avoit envoyé un mandement à tous les curés, couvents et compagnies, pour la procession du dimanche dans l'octave du Sainct-Sacrement, qui estoit le 23 juin 1715, et avoit termé l'assemblée du clergé à SainctJean, pour aller aux P. Jacobins: il avoit marqué qu'il enverroit un député pour faire la cérémonie. Les chanoines du Sainct-Sépulchre de ceste ville prétendirent estre en possession de faire ladite cérémonie à l'absence du seigneur évesque et firent les diligences de justice pour cet effect. Il y eust sommation d'audience à la Chambre du Présidial le matin de la procession. Ils furent entendus respectivement en présence de toute la compagnie. Après qu'ils eurent dist toutes les raisons de part et d'autre, on leur proposa une conciliation qui fust suivie, sçavoir: que les sieurs députés feront la cérémonie, sans attribution de droicts, pour ceste fois seulement, jusques à ce que ils fussent réglés au principal; ce qu'ils signèrent tous respectivement.

Ce fust M. de La Lande du Destroit qui fist ladite cérémonie ; il avoit pour diacre M. de Saincte-AnneHubert, chanoine du Sépulchre, et, pour sous-diacre, M. le curé de Sainct-Martin de Caen. Cet acte est couché tout au long dans le registre de la Chambre du Présidial.

Aujourd'huy, 19 juillet 1715, Pierre-Louis-Auguste

Hue, sieur de Mutrécy, a pris possession de la charge de conseiller du Roy au Bailliage et Siège présidial de Caen, que possédoit feu M. Nicolas Hue, escuyer, sieur de Vauville, son cousin germain (1). Feu M. de Mutrécy, père du sieur Louis, avoit vendu ladite charge audit sieur Nicolas Hue.

Aujourd'huy, 29 juillet 1715, est arrivée à Caen son Altesse Sérennissime le comte de la Lusace, fils de Monseigneur l'Électeur de Saxe et Roy de Pologne (2), faisant le tour de la France et voyageant par toute l'Europe. Il a resté à Paris 7 ou 8 mois, faisant une grosse despense, en Cour et partout. Le Roy luy a donné une riche espée de la valeur de 50.000 escus. Il n'a voulu qu'on luy fist aucune entrée, ny canon, ny autre cérémonie. Cela n'a pas empesché que l'on ait esté beaucoup curieux de le voir dans la ville.

Il a logé au Dauphin, cabaret de la Place Royalle, avec toute sa suitte, qui est composée de deux palatins, quelques seigneurs saxons, un intendant, deux pages et autres, ce qui compose environ en tout trente personnes. Ils sont tous dans des chaises de poste. Le lendemain, il a esté voir le Chasteau de ceste ville dans le carrosse de M. l'Intendant, qui, pour lors, estoit à Paris, avec plusieurs autres carrosses pour la suitte:

(1) Nicolas Hue, écuyer, sieur de Vauville, était mort au mois de décembre 1714.

(2) Ce jeune prince était fils d'Auguste II, élu roi de Saxe et de Pologne en 1697. En 1704, la diète de Varsovie le déposa et élut à sa place Stanislas Leczinski. Mais, en 1712, il réussit à chasser son rival et à se maintenir sur le trône. Le comte de la Lusace, son fils, lui succéda sous le nom d'Auguste III. Il était né en 1696 et régna de 1733 à 1763. Il s'occupait peu de ses sujets et mourut également méprisé des Polonais et des Saxons.

de là, il est allé voir Madame de Tessé, abbesse de Caen, et a entré seul dans l'abbaye, où il n'est resté qu'un moment. Après quoy, il est venu disner chez M. l'intendant Guynet, quoyqu'il n'y fust pas, ayant mandé cet ordre de Paris. Il est aagé de 18 ans, très beau prince et fort puissant de taille. Il fust le soir se promener au Cours; il y avoit 30 carrosses environ à sa suitte, remplis de dames et de personnes de distinction. Il est reparty ce matin du costé de la Bretagne.

Le dimanche, 18 aoust 1715, l'ambassadeur de Portugal (1) fist son entrée à Paris, d'une magnificence surprenante et telle qu'on n'en avoit jamais veu une si superbe. Il passa dans les rues de Paris pour aller loger à l'hostel de l'ambassadeur. Il marchoist après plusieurs gardes et officiers qui estoient à cheval, dans le carrosse du Roy, suivi de deux autres carrosses aussy du Roy, remplis de gens ordonnés pour la cérémonie; après quoy marchoient trente vallets de pied, de la livrée dudit ambassadeur, en plumets jaunes, avec leurs habits de livrée et vestes d'or et galon d'argent et d'or sur la casaque. Ils estoient tous à pied.

Après quoy suivoient six pages à cheval, avec leur escuyer, tous en plumets blancs, leurs habits battus d'or et d'argent et leurs chevaux magnifiquement enharnachés. Marchoient ensuite cinq carrosses de l'ambassadeur, dont le premier estoit si riche en or et de si bon

(1) Voici ce qu'en dit Saint-Simon : « Ce même jour (18 août 1715), le comte de Ribeira, ambassadeur extraordinaire de Portugal, dont la mère, qui était morte, était sœur du prince et du cardinal de Rohan, fit à Paris son entrée avec une magnificence extraordinaire et jeta au peuple beaucoup de médailles d'argent et quelques-unes d'or ». (Mémoires, éd. Hachette, in-12, t. VIII, 33.)

p.

« PreviousContinue »