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roisse de Noyers, seule, plus de 3.000 pommiers et poiriers abattus et déracinés, et, à proportion, dans tout le pays. Ce qui est fâcheux, c'est que le mal s'étendit à toute la province, et on prétend que ce fut encore pis ailleurs qu'à Caen. Ceste tempeste dura plus de six heures.

Aujourd'huy, 7 febvrier 1706, on a chanté un Te Deum, dans l'église Sainct-Pierre, en actions de grâces de la prise de la ville de Nice par les armées du Roy. Tous les corps ordinaires y ont assisté, après quoy on a mis le feu au buscher, placé dans le carrefour, au bruit de la mousqueterie de la ville. Pendant lequel temps on tira 25 ou 30 coups de canon dans le Chasteau.

Aujourd'huy, 25 may 1706, on a chanté un Te Deum, dans l'église Sainct-Pierre, en actions de grâces de la victoire remportée en Italie par les armées du Roy, soubs la conduite de M. le duc de Vendosme (1). Tout le clergé y assista, ainsy que les compagnies du Présidial, de la Vicomté et l'Université. Après quoy, on mist le feu à un buscher placé dans le carrefour Sainct-Pierre, au bruit de la mousqueterie de la ville et du canon du Chasteau.

Aujourd'huy, 27 may 1706, la seconde closche et la petite de l'église Sainct-Nicolas de Caen ont esté nommées. La grosse a esté nommée par moy, Jacques Le Marchant (2), conseiller du Roy, garde-scel au

(1) La prise de Nice précéda la victoire de Calcinato, où un des lieutenants du prince Eugène fut défait par le duc de Vendôme, le 19 avril 1706.

(2) Le Journal d'un bourgeois de Caen, édité par Mancel, où M. de Quens reproduit souvent, en les modifiant plus ou moins, les notes de Jacques Le Marchant, offre ici une différence notable

Présidial de Caen, assisté de Demoiselle Marie-Magdelaine Macé, femme de M. du Tailly-Aubrée, premier trésorier de ladite église; elle fust nommée Jacques. La petite closche fust nommée par M. Calard de la Ducquerie, le fils, docteur, professeur de médecine (1), assisté de la fille de M. du Gastelier, vivant procureur du Roy en l'admirauté de Oyestreham ; elle fust nommée Marie-Ursule.

Le 28 may 1706, il y a eu un combat très sanglant dans la Flandre espagnole, dans la plaine de Ramilly, autrement Jodoigne, entre les armées de l'Empereur,

avec notre chroniqueur. Il ajoute des renseignements personnels à Jacques Le Marchant, ce qui prouve qu'il a connu cette famille ou bien a eu d'autres journaux entre les mains: « 27 mai 1706.La seconde cloche de l'église Saint-Nicolas a esté nommée, le 27 mai 1706, par le sieur Jacques Le Marchant, conseiller du Roi, garde-scel au Bailliage et Présidial de Caen, assisté de dlle MarieMadeleine Macé, femme du sieur Pierre-François Auberée, sieur du Taillis, premier trésorier de ladite église, et a été nommée Jacques, et bénite par Maître Isaac Brodon, prêtre, curé de ladite église, et fondue par Jonchon, de ladite parroisse... Cette cloche a été fondue deux fois, parce que, dans la première fonte, il manqua quelque chose à une des anses: elle pouvait cependant être pendue en son premier état. L'inscription ayant été changée lors de la deuxième fonte, et ladite cloche portant le nom de la marraine, au lieu de celui du parrain, cela donna lieu à un procès de la part du sieur Le Marchant, qu'il a gagné. L'inscription a été effacée et a été gravée depuis... Ledit sieur Auberée, Étienne Noël et Jacques Lepetit, trésoriers ». Le reste comme dans notre manuscrit.

(1) Jean-François Callard de la Ducquerie, docteur et professeur royal en médecine en l'Université de Caen, naquit à Caen en 1677. Il était fils de J.-B. de la Ducquerie, aussi professeur en l'Université. Au rétablissement de l'Académie, en 1731, il en fut nommé secrétaire et mourut en 1757. M. de Touchet et, plus tard, le P. Porée avaient été ses adjoints.

d'Angleterre et de Hollande, commandées par le duc de Marlborough, contre les armées de France, Espagne et Bavière, commandées par M. le mareschal de Villeroy (1). Ça esté un furieux et enragé combat de part et d'autre; nous avons perdu le champ de bataille, nostre canon et toute la maison du Roy: mousquetaires, chevau-légers, gardes du corps et gendarmes ont esté tous tués,. blessés ou pris prisonniers. Nous avons eu plus de 40 officiers généraux tués ou prisonniers, et, pour tout achever, plus de 10.000 déserteurs qui ont passé dans l'armée ennemye. Après quoy, toute victorieuse, elle a pris, sans tirer un seul coup de canon, Bruxelles, Gand, Bruges, Anvers, Audenarde et continue toujours sa route: le duc de Marlborough se faisant aimer et adorer partout où il passe, par ses manières belles et généreuses, renvoyant tous les prisonniers blessés de conséquence, sur leur parole. Pour comble de malheur, Barcelone estoit assiégée par le Roy d'Espagne et M. le mareschal de Tessé, qui a esté obligé de lever le siège et de s'en retourner à Madrid.

Aujourd'huy, 27 juin 1706, le régiment de Harcourt est party de Caen, en bon esquipage de chevaux et d'hommes. C'est un nouveau régiment de cavalerie. C'est le fils de M. le mareschal d'Harcourt. Il s'en va à Lisle, en Flandre; ce colonel est fort jeune.

Aujourd'huy, 23 juin 1706, Gaspard-Joseph de Morel, seigneur de Secqueville et du Fresne (2), a pris

(1) Bataille de Ramillies, perdue par le maréchal de Villeroy, contre Marlborough, le 24 mai 1706. Villeroy recula jusque dans Lille. Louis XIV, en le revoyant, se contenta de lui dire : « Monsieur le Maréchal, nous ne sommes plus heureux à notre âge ». (2) Gaspard-Joseph de Morel et du Fresne, chevalier, seigneur de Secqueville, des Éties, des Fossets, de Thaon et autres lieux;

séance au Présidial après le juge, en qualité de Lieutenant général d'espée.

Aujourd'huy, 27 juin 1706, on a faict la cérémonie des relicques de sainct Pie, pape et martyr, envoyées par N. S. Père à la confrérie de Sainct-Sébastien de Sainct-Pierre de Caen. On les avoit déposées dans l'église de la Mission, dans une caisse enrichie et bien dorée. Sur les 4 heures après midy, le clergé de Sainct-Pierre, en bel ordre, fust les prendre dans ladite église de la Mission, ayant à leur teste la compagnie du Papeguay, bien leste et armée, avec quatre tambours, deux hautbois et une trompette. Ils revinrent, en très bel ordre, par la Belle-Croix. Quatre diacres portoient sur leurs épaules lesdites relicques. La cérémonie a duré trois jours avec l'oraison des quarante heures, le Sainct-Sacrement exposé et la bénédiction, le soir. Lesdites relicques ont esté données par N. S. Père, à la fille d'un nommé Boulard, boulanger, laquelle est à Rome avec la Reine de Pologne (1), qui l'aime beaucoup. C'est une fille d'une grande vertu.

Le 8 juillet 1706, on a rompu un particulier, nommé

il eut pour successeur son petit-fils Gaspard-Jacques de Morel, chevalier, seigneur et patron de Thaon, qui fut installé dans sa charge le 12 juillet 1754. Il était fils de Pierre-Louis-Gaspard de Morel, chevalier, seigneur de Beuzeval, Thaon, Neauphle, Bombanville, et de dame Marie-Anne Blouet, fille de Jacques Blouet, seigneur de Thaon.

(1) Marie de la Grange d'Arquiem, autrement : Marysienska, femme de Jean Sobieski, roi de Pologne (1641-1716). Cette Française, fille d'un simple capitaine aux gardes de Monsieur, frère de Louis XIV, devenue reine de Pologne, succédant à une archiduchesse d'Autriche, sur un des plus beaux trônes de l'Europe, se réfugia, après ses malheurs, à Rome, en 1699, et mourut à Blois, où Louis XIV lui avait donné asile, en 1714.

Jacques Farolet, fils Henry, de la parroisse de Landes, pour avoir esté complice d'un crime des plus noirs, commis dans la parroisse de Cheux, surtes demoiselles Marie et Marguerite Saillenfest, filles fort aagées, lesquelles estoient couchées tranquillement dans leur lict, le septiesme en venant au huictiesme d'avril dernier, enfermées à la clef. On vint les demander et frapper à leur porte, deux heures avant le jour, soubs un nom d'emprunt, parce que elles craignoient le malheureux Jacques Farolet, qui les avoit menacées plusieurs fois de les tuer. Comme une de ces filles eust ouvert, il a dist à la question et en mourant, qu'ils entrèrent trois à la complicité d'une jeune fille, aimée desdites dames et qui fust cause qu'elles ouvrirent leur porte; elle s'appeloit Judith Beljambe, de la parroisse de Noyers, de présent mariée à Gabriel Bourdon, de la parroisse de Croissy, prisonnière. Après quoy, ils égorgèrent les deux pauvres filles à coups de poignard et vollèrent tout ce qu'elles avoient de meubles. Ils les enfermèrent à clef et emportèrent la clef, ce qui fust cause, comme elles estoient fort particulières dans leur petit mesnage, qu'on ne les trouva et qu'on ne s'aperçut de leur mort que le mardy en suivant, qu'on abastit leur serrure et qu'on les trouva toutes pourries et puantes.

Dans l'instruction du procèds, on a trouvé que Marie-Anne Le Blanc, femme de Duparc-Dieuavant, avoit faict faire ledit assassinat; elle a esté contumacée et condamnée à estre pendue et estranglée et jettée au feu par effigie. Il y a beaucoup de complices prisonniers. Je mettray dans la suite ce qui sera faict.

Aujourd'huy, 14 juillet 1706, on a pendu une jeune femme, nommée Judith Beljambe, fille d'Olivier, de

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