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bedeau, Jean de Pretouville, le repas magnifique qui était d'usage en cette circonstance.

Cette promotion permettait une réorganisation de l'enseignement le 2 mai 1522, la Faculté tint une réunion à cet effet, ses membres avaient été, suivant la coutume, convoqués par le bedeau et la convocation portait l'indication des trois questions à l'ordre du jour. La première était la distribution des cours «<lecturarum » entre les régents; le doyen invoqua son grand age et son canonicat pour en être dispensé ; la Faculté y consentit: le lundi et le jeudi furent attribués à maître François Callix; le mardi et le vendredi à maitre Romain Léonard: le mercredi et le samedi à maître Jacques Buysson de Courson. Les lectures. ordinaires étaient ainsi assurées (1).

On s'occupa ensuite de la pratique et de l'organisation des herborisations qui furent fixées au 22 mai, auxquelles durent assister tous les suppôts de la Faculté, tant apothicaires que chirurgiens.

La Faculté se montra aussi soucieuse de l'assiduité des étudiants; on se résolut à imposer aux nouveaux étudiants le serment, qu'ils prèteront après la première lecture entre les mains du doyen ou des plus anciens professeurs, de ne pas aller d'une Faculté à

une autre.

Ainsi, la réforme de 1521 a été incontestablement, pour la Faculté de médecine, tombée en décadence par suite des abus ordinaires à toutes les corporations universitaires de ce temps, le point de départ d'une nouvelle ère, sinon de brillante prospérité, au moins de vie régulière.

(1) Matrologe, fo 4.

Mais la Faculté de Caen, comme l'Université tout entière, avait un recrutement trop régional, trop restreint pour ne pas être exposée à manquer d'étudiants et de professeurs. Pendant la première partie du XVIe siècle, la Faculté de médecine paraît avoir traîné une existence assez précaire.

En 1532, le doyen Romain Léonard constate à son tour qu'il est le seul docteur, et il invoque le précédent de 1506 pour en créer de nouveaux parmi les licenciés; se présenta d'abord pour bénéficier de cette faveur, Jean Roger de Cornyères, alors recteur (1). Ce Roger était un fin lettré qui, du collège du Bois, envoyait en 1523 ses félicitations à Guillaume le Rat pour son édition de Fauste Andrelin (2). Il fut bientôt suivi de Jean de Courson, Jean Bridel, Jean Philippe, Joseph Guet et Marin Verglaiz (3).

Alors la Faculté cut des professeurs, mais ceux-ci n'avaient pas d'étudiants; en 1535, Jean Baratte, procureur de l'Université, prie les professeurs de procéder aux lectures ordinaires dans les salles qui ont été refaites pour eux au-dessus de la bibliothèque, ils s'y refusent, ils allèguent les précédents, puis leurs anciens. âgés et lourds, « graves et antiqui », ne voulaient pas monter si haut. Et pourquoi faire des cours? ils n'ont pas d'étudiants, « nunc non sunt aliqui scolares nec studentes », sauf un bachelier nommé de la Lande. Ce serait une dérision pour les professeurs de la Faculté que de faire leurs lectures ou de se rendre

(1) Med. Matr., fo 18, vo.

(2) L. Delisle, op. cit., t. II, p. 35. Il est aussi l'auteur d'une dissertation sur la loi salique. L. Delisle, t. I, p. 216, no 244. (3) Med. Matr., f. 18.

aux disputes pour les chimères, les peintures et les murs (1).

En 1536, on remet à l'année suivante l'herborisation annuelle, « propter scholasticorum raritatem (2) ».

Cependant la Faculté de médecine jouit peu à peu comme les autres Facultés des bons effets de la visite du Roi et de l'arrêt du Parlement qui accordait à l'Université le droit de présenter pendant six mois chaque année aux bénéfices vacants dans tous les diocèses de Normandie. En dehors de cette considération matérielle, la Faculté profita sans doute, elle aussi, du goût pour l'étude qui, s'étant si vivement affirmé dans les collèges pendant la première moitié du siècle, devait relever peu à peu le niveau intellectuel de toutes les Facultés et entraîner l'Université dans le grand mouvement de la Renaissance.

Entre les années 1540 et le commencement des troubles des guerres de religion, la Faculté de médecine semble avoir été plus florissante. On voit successivement prendre leurs grades et devenir docteurs régents, Jean Le Corsu, Jean Bridel, de la Bretonnière, Marin Vicquet, Béroald Marège-Brémont, originaire de Clermont-Ferrand, et Pierre de Cahaignes. En 1541, Jean Brohon de Coutances y passe son baccalauréat (3); l'année mème, il publie à Caen, chez Michel Angier, son dictionnaire de botanique (4), qui est précédé d'une épître liminaire adressée aux célèbres professeurs dans l'art d'Hippocrate, Jean Roger,

(1) Med. Matr., fo 33.

(2) Ibid., fo 35.

(3) Ibid., fo 54.

(4) L. Delisle, op. cit., no 81, t. I, p. 72.

Jean Huet, Guillaume de Guette, Jean Le Corsu, Jean Jehan dit Lorey (1).

Ce n'est pas un débutant, un jeune étudiant, que le bachelier Brohon. Grâce à l'excellente organisation qui voulait que tous les étudiants des Facultés supérieures, collège des droits, théologie aussi bien que médecine, eussent passé par la Faculté des arts, il y avait des liens fort étroits entre les diverses Facultés. Beaucoup qui prenaient leurs degrés en médecine étaient, nous l'avons déjà vu, qualifiés en d'autres Facultés Jean Brohon était doyen de la Faculté des arts. Une autre épître liminaire, parmi celles qui figurent en tête de son dictionnaire, est dédiée à Pierre Auvray, alors recteur à l'Université, et à ses collègues Raoul Hérault, Jean Villain, Gilles Bigoth, <«< viros citra controversiam, omnigena doctrina refertos»; et dans le même recueil, une lettre de Richard de Bon-Lieu nous montre que le bachelier Jean Brohon était renommé pour sa connaissance des trois langues, latin, grec et hébreu (2).

Le grand mérite de ce dictionnaire est de nous donner le nom vulgaire de beaucoup de plantes et d'animaux. L'étude des plantes paraît d'ailleurs avoir été remise en honneur à cette époque à la Faculté. En cette même année 1541, l'herborisation « actus herbarius » eut lieu en grande pompe et nombreuse compagnie; tous les pharmaciens et chirurgiens y assistaient, suivant le règlement. Les étudiants et autres suppôts de la Faculté sont accueillis à l'abbaye de Barbery (3).

(1) L. Delisle, op. cit., t. II, p. 58.

(2) Ibid.

(3) Med. Matr., fo 53.

En 1547, les professeurs et les étudiants reçoivent l'hospitalité du riche Le Marchand, sieur de Rosel, dans sa maison de campagne, près de Fontaine-Étoupefour. Après un bon repas, l'ardeur du soleil s'étant apaisée, la Faculté, par les prés et les bois, gagne Fontaine-Étoupefour (1). La Faculté, à cheval, rentre en ville le soir et répare ses forces chez le pharmacien Brixe..

Les exercices reprennent donc ainsi vers le milieu du XVIe siècle toute leur activité et en même temps on y voit prendre leurs degrés, quelques étudiants autres que des bas-normands, voire même des étrangers ; en 1538, c'est un Anglais, Richard César, du diocèse d'Exeter (2); en 1544, deux Rouennais, étudiants de l'Université de Paris, Roger Lecairon et Nicolas Loquet, viennent y terminer leurs études (3); en 1547, Guillaume Bass, Ecossais, y commence sa chirurgie (4). La Faculté élabore en 1547 les statuts des apothicaires de Caen qui resteront dorénavant dans sa dépendance (5). Mais, cette même année, la peste fait son apparition à Caen. Marin du Viquet, alors doyen, enregistre le fait au Matrologe; professeurs et élèves, ainsi que tous les habitants aisés, se retirent à la campagne; pendant longtemps la cité reste déserte (6). En dépit de cette interruption momentanée de l'exer

(1) Med. Matr., fo 67, vo. Duval de Mondrainville, le fameux marchand caennais, était bedeau de la Faculté; il envoie à cette occasion deux galions du vin le meilleur, « duos galliones vini optimi». (2) Med. Matr., fo 43.

(3) Ibid., fo 63.

(4) Ibid., fo 69.

(5) Voir l'appendice.

(6) Voir De Bras: Recherches et antiquitez de la ville de Caen. Caen, 1588, p. 209.

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