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<< est transplanté; il ne sait rien prévoir; rien n'est <«< fait à l'avance que ce que j'ai moi-même com<< mandé ».

Le Febvre veut orner le vestibule de deux statues : un homme et une femme rappelant le Roi et la Reine. Il s'adresse à de Mouchy, sculpteur du Roi à Paris; il donne les mesures des niches dans lesquelles les figu res seront placées et indique de quel côté elles seront éclairées (1). Voici les principaux passages des lettres de commande:

<«< Elles représenteront: l'une, l'Abondance ayant une urne à ses pieds, de laquelle je puisse, au moyen d'un tuyau et d'une soupape à l'intérieur de l'urne, et d'un bouton pour ouvrir et fermer, faire tomber l'eau dans une cuvette comprise dans le piédestal portant le socle de la statue. L'autre sera: non la Justice, qui serait une femme, mais le Génie de la Justice administrative, sous la figure d'un homme de quarante ans à peu près, foulant à ses pieds les vices représentés par des serpents et ayant à côté de lui un tronc d'arbre qui doit contenir un tuyau de poêle; cette figure doit être caractérisée par une balance, soit qu'elle la tienne à la main ou qu'elle soit posée sur le tronc d'arbre, ou accrochée à un bout de branche. Il est essentiel qu'elle ait aussi, d'une main, plusieurs couronnes de palmes et d'olivier pour couronner les vertus pacifiques et, de l'autre plus reculée, des foudres pour détruire les vices. La première devra être fort en avant, un bon administrateur devant toujours être prêt à récompen

(1) Les croquis de ces statues et le texte de ces lettres ont été communiqués en 1897, au Congrès des Sociétés des Beaux-Arts, par M. Paul de Longuemare, alors président de la Société des Antiquaires de Normandie.

......

J'aimerais qu'au lieu

ser et très lent à punir.. d'un tronc d'arbre, le Génie de la Justice administrative eût auprès de lui une colonne, symbole de la solidité et de la stabilité. Souvenez-vous que ce génie aura pour piédestal un poêle et que l'Abondance, à l'autre bout de la pièce, au milieu d'une grande partie circulaire, fera fontaine et aura à ses pieds une cuvette qui recevra les eaux de l'urne couchée, et que cette cuvette sera posée sur un buffet ».

Le Febvre crut que son œuvre architecturale pouvait lui ouvrir les portes de l'Académie des BeauxArts, et, sur l'avis de Coustou, pria Soufflot, oncle de sa femme, de patronner sa candidature. Je n'ai pas trouvé la réponse de Soufflot et ne sais ce qu'il advint de cette démarche.

L'architecte avait l'amour de sa profession d'ingénieur, qu'il exerça dans notre pays avec une remarquable activité. Son œuvre, accomplie de 1772 à 1790, ne comprend pas moins que l'équivalent de 100 lieues de grandes routes commencées et achevées et les ponts y afférents, une longueur au moins égale de voies secondaires, le môle de Granville, le bassin du commerce à Cherbourg et d'importants travaux sur l'île Pelée, les ports d'échouage de Carentan et d'Isigny, la canalisation de l'Orne, les travaux d'architecture que je viens de citer et de nombreux ouvrages de moindre importance.

Tout cela l'attachait assez pour qu'il ait refusé le grand avancement que lui proposa Trudaine, en lui offrant le poste de Bordeaux.

Cependant il tenait à l'argent et ne se faisait pas faute de réclamer des gratifications normales ou extraordinaires pour lui-même et pour ses subordonnés.

En fait, les appointements fixes étaient modestes : l'ingénieur en chef avait 2.400 livres par an; les inspecteurs de 15 à 1.800 livres, suivant leur ancienneté; les conducteurs de 900 à 1.200 livres; à quoi s'ajoutaient, à peu près annuellement, pour le premier: 1.200 livres, pour les seconds de 4 à 600 livres, plus, à partir de 1776, une indemnité de logement de 250 à 350 livres, suivant les résidences : les conducteurs avaient aussi leurs parts. Il y avait en outre des gratifications particulières à certains travaux, lesquelles étaient dévolues à l'ingénieur en chef, avec obligation morale d'en donner part aux collaborateurs spéciaux.

En somme, on peut compter, au minimum, pour l'ingénieur en chef 4.000 livres, pour les inspecteurs 2.400 livres, pour les conducteurs 1.200 livres.

Ces émoluments, en tenant compte de la puissance de l'argent, sont à peu près équivalents aux traitements actuels de nos fonctionnaires des Ponts et Chaussées.

L'insistance de Le Febvre pour obtenir des gratifications particulières l'exposait à des refus désagréables. En 1784, l'intendant de Brou (nous savons qu'il n'aimait pas les ingénieurs) annote ainsi une réclamation: « M. Le Febvre me paroît plus que payé par la gratification annuelle qu'il touche pour la rivière; il tire beaucoup d'argent de sa place et on ne peut tirer de lui aucune affaire; il est très négligent et ne travaille qu'à faire des projets, bons ou mauvais, qui servent à jeter de la poudre aux yeux et rien autre chose à laisser de côté, rien à faire ».

De Brou n'était pas juste. Le Febvre faisait luimême ou corrigeait minutieusement les devis des ouvrages et entretenait une correspondance énorme; de

plus, il passait, dans la Généralité, des inspections de travaux relativement rapides et, par suite, fatigantes. Cependant on ne peut pas nier qu'il aimait le projet.

A propos du pont de Cabourg notamment, il en présenta quatre, dont un de 186.000 livres, alors qu'on ne voulait qu'un bac de 3.600 livres !

Quoi qu'il en soit, Le Febvre fut un collaborateur et un continuateur infiniment utile de l'œuvre de l'intendant Fontette, si profondément soucieux du bien du peuple et si intelligent des questions économiques.

Il doit être considéré comme un bienfaiteur de notre région et il serait désirable que son nom fùt, comme celui de son chef, signalé par quelque témoignage public, à la reconnaissance de la population.

LA FACULTÉ DE MÉDECINE

DE

L'UNIVERSITÉ DE CAEN

AU XVI SIÈCLE

(1506-1618)

Par M. Henri PRENTOUT

La Faculté de médecine créée par Henri VI en 1438 était la dernière venue des facultés qui constituaient l'Université de Caen, «< complette de cinq facultés ». Les Arts et la Théologie avaient été créés en 1437; les deux facultés de Droit civil et de Droit canon en 1432.

De l'existence intérieure de la Faculté de médecine au XVe siècle nous ne savons que ce que peuvent nous apprendre les sources générales de l'histoire de l'Université, c'est-à-dire les registres de Conclusions, les Rectories, le Matrologe de l'Université; mais, pour le XVIe siècle, nous pouvons consulter en outre deux manuscrits importants: le Matrologe de la Faculté de médecine (1) et le manuscrit du fameux

(1) « Matrologium saluberrimæ simul ac opiferæ medicorum facultatis ab anno incarnationis dominicæ millesimo quingentesimo vigesimo sexto apud Cadomense gymnasium ». In-folio 66, bib. ville de Caen. Faut-il bien lire : « à partir de 1526 ? » Vigesimo a été barré dans le manuscrit, En effet, le Matrologe com

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