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la grande histoire par une série d'exploits sans précédents.

Quant à nous, fervent modeste de tout ce qui touche au passé de notre patrie locale, nous avons cru pouvoir nous permettre de rappeler la mémoire du plus jeune de cette race de héros, et aussi celle de la femme qui fut associée à la gloire de ce jeune gentilhomme qui, en 1050, quittait le manoir paternel pour marcher à la conquête d'une renommée, qu'à coup sûr, il ne pouvait, lui non plus, rêver si magnifique, quelles qu'aient pu être alors les ambitions de sa juvénile ardeur.

Mais, hélas! de ce vieux manoir, alors si obscur et bientôt si illustre, rien aujourd'hui ne demeure (à peine un pan de mur), rien, sinon l'appellation du village voisin, Hauteville-la-Guichard, évidemment en souvenir de Robert Guiscard.

Mais, qu'importe après tout l'injure du temps et le morne silence des lieux? Le modeste village peut, désormais, se reposer dans son calme heureux, s'estimant, il nous semble, suffisamment ennobli de pouvoir, quand il le voudra, mettre dans son blason les glorieuses couronnes conquises par l'intrépide vaillance des héros auxquels il a donné le jour!

LES TRAVAUX PUBLICS

DANS

LA GÉNÉRALITÉ DE CAEN

AU XVIII SIÈCLE

Par M. A. LEPAGE,

Ancien Président de la Société.

Le grand honneur que j'ai eu, et dont je demeure profondément reconnaissant, de présider, pendant un an, les séances de la Société des Antiquaires de Normandie, m'oblige à donner ici la première composition d'un élève qui commence ses études à l'âge où l'homme oublie, et ne sait plus apprendre.

Ignorant de la paléographie, j'ai dû puiser mon sujet dans les documents les moins anciens.

Je vais donc parler des Travaux Publics, dans la Généralité de Caen, pendant le XVIIIe siècle.

Louis XII, François Ier et Henri II avaient commencé à doter la France d'un réseau de chemins; mais les guerres religieuses, civiles et extérieures et la mégalomanie de Louis XIV avaient suspendu l'exécution de cette grande œuvre et laissé dépérir le peu qui avait été exécuté: il n'en restait rien au commencement du XVIIIe siècle.

C'est en 1721 qu'un édit royal ordonna d'étudier et de créer des voies de communication, avec les ponts. et ouvrages accessoires qu'elles comportent.

Les routes furent commencées avec des largeurs exagérées, mais bientôt classées en trois catégories :

La première, à 42 pieds de largeur, dont 18 de chaussée entre deux accotements de 12 pieds chacun, pour relier Paris aux grandes villes du royaume ou aux ports principaux;

La seconde, à 36 pieds, avec chaussée de 14 pieds et accotements de 11 pieds, entre les principales villes ;

La troisième, à 30 pieds, dont 12 de chaussée, avec accotements de 9 pieds, entre les villes d'une même province ou de provinces voisines;

Les unes et les autres bordées de fossés de 6 pieds de largeur en crète, et 2 pieds de profondeur.

L'édit prévoyait aussi des chemins de communication à 24 pieds de largeur entre villes voisines ou gros bourgs.

Les besoins locaux y ajoutèrent bientôt des chemins moins confortables pour relier les fours à chaux, les rivages maritimes et les communes aux routes afin d'assurer les approvisionnements d'amendements et d'engrais marins.

La mise en œuvre fut lente: pendant les quarante premières années, on n'acheva que cent lieues de routes dans la Généralité de Caen, qui comprenait tout le département de la Manche et celui du Calvados, moins les arrondissements de Pont-l'Évêque et Lisieux. Une longueur à peu près égale était en cours d'exécution, alors que le programme comportait à peu près quatre cents lieues de routes et que les besoins locaux nécessitaient un égal développement de chemins vicinaux.

Cette lenteur se comprend : le pouvoir central, sans finances disponibles, après satisfaction des besoins

souvent déraisonnables de la maison du Roi et des nécessités de la guerre, était, faute de moyens de communication, sans action effective sur les communes qui, fort indépendantes, n'acceptaient pas volontiers des charges dont, souvent, elles ne comprenaient pas la portée.

En outre, les moyens d'exécution étaient insuffisants; les soi-disant ingénieurs manquaient peut-être de théorie et de pratique, et l'exécution était mauvaise, parce que les ouvriers étaient les corvéables, gratuits, peu ou point dirigés, travaillant de mauvaise volonté à une besogne qu'ils ne connaissaient ni ne comprenaient.

Les corvéables étaient tous les contribuables à la taille et à la capitation roturière: la taille correspondait à la fois à notre impôt foncier, comme pesant sur les bénéficiaires de biens-fonds, propriétaires ou fermiers, et à notre impôt des patentes, en ce qu'elle était également payée par les titulaires de droits réels, c'est-àdire les exploitants de fonds de commerce ou d'industrie. La capitation était, dans les villes, un impôt spécial correspondant à notre taxe locative; dans les campagnes, elle était un prorata additionnel à la taille.

Etaient exemptés de la taille: la noblesse, le clergé et les titulaires de certaines charges; de moindres personnages, comme les maîtres de poste, qualifiés de privilégiés, ne payaient qu'une partie de l'impôt.

Les corvées étaient de bras ou de colliers; les manouvriers avaient à fournir gratuitement une certaine tâche annuelle représentant à peu près douze jours de bon travail, qui leur en coûtait moyennement vingt, parce qu'ils étaient maladroits à un travail qu'ils ne connaissaient pas, ou, parce que, ne gagnant rien, ils

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