Page images
PDF
EPUB

Deum dans l'église Sainct-Pierre, en actions de grâces de la naissance de Monseigneur le Dauphin. Hier au soir, toutes les closches de la ville, tant des parroisses que des couvents, sonnèrent pendant près d'une heure; et, ce matin, on a tiré 30 coups de canon de la citadelle. Après quoy, toutes les closches ont recommencé comme hier soir. Toutes les bouticques furent fermées pendant tout le jour. La bourgeoisie se mist soubs les armes et en bel ordre. Les processions s'assemblèrent à Nostre-Dame, et vinrent à SainctPierre, soubs la conduite de M. l'abbé Campagne, grand vicaire, où l'on chanta le Te Deum. Après quoy, M. le major, qui commandoit au Chasteau, alla mestre le feu, à la manière ordinaire, au carrefour, au bruict de la mousqueterie de la ville et de tout le canon du Chasteau.

Il y eut des illuminations dans toutes les maisons et beaucoup de feux dans les rues, ce qui ne réussit pas bien à cause du grand vent. Messieurs de la ville avoient commandé un bien splendide repas, et, pour cet effect, ils avoient faict parqueter et enfermer le Jardin du Pavillon de la foire. Il y avoit une table en forme de fer à cheval, qui comprenoit tout le jardin. Il y avoit environ cent couverts; il y avoit aussy tout ce que l'on peut souhaiter en quantité et délicatesse de viandes et de gibier, avec un magnifique dessert et bien remply. Il y avoit dix ou douze dames de la suitte

lait, par ses qualités, le regretté duc de Bourgogne. « Le Ciel, disait sa mère, ne m'a accordé qu'un fils, mais il me l'a donné tel que je l'aurais désiré ».

A Paris, les réjouissances furent extraordinaires. On sonna les cloches des églises pendant trois jours et trois nuits. Il y avait 68 ans qu'on n'avait célébré la naissance d'un Dauphin.

de Madame de Vastan, espouse de M. l'Intendant, et toute la compagnie estoit composée de tous les corps de justice et notables, à qui on avoit envoyé des billets. Après le repas, il y eut un grand bal où beaucoup de dames se trouvèrent. On avoit mis un théâtre pour tirer un feu d'artifice, dans la praierie, vis-à-vis l'Hostel de Ville; lequel ne fust poinct tiré, à cause du mauvais temps. Il fust réservé à dimanche prochain, auquel jour M. l'Intendant doibt faire une grande feste.

Le 20 septembre 1729, noble dame Marie-Anne de Vérue (1) est arrivée à Caen, pour prendre possession de l'abbaye de Saincte-Trinité de Caen, que le Roy luy a donnée. Lorsqu'elle arriva, on tira sept coups de canon. On n'en eût tiré que trois et on en tira sept, parce que l'on crust que Madame la princesse de Carignan, sa sœur, estoit avec elle, qui n'arriva que le lendemain. Elle alla droict à l'abbaye: elle estoit abbesse de Saincte-Claire, en Dauphiné. Elle estoit accompagnée de Madame l'abbesse de Blois, de Paris, sa sœur, qui a resté quelque temps avec Madame sa sœur, à Caen.

Aujourd'huy, 2 octobre 1729, M. de Vastan, intendant à Caen, a faict une magnifique feste pour la naissance de Monseigneur le Dauphin. Il a faict accommoder la seconde cour et en a faict une salle à

(1) Marie-Anne de Scaglia de Verrue, fille d'Auguste-JosephIgnace de Mainfroy, comte de Verrue, et de Jeanne-Baptiste d'Albert de Luynes, 40e abbesse de Sainte-Trinité.

Elle était née en Savoie, le 3 mai 1684; fut religieuse de l'abbaye de Sainte-Claire de Vienne en 1720, et abbesse de Sainte-Trinité. Elle y mourut le 15 janvier 1754 et fut remplacée par Mme CécileÉmilie de Belzunce de Castelmoron, religieuse de Ronceray.

tenir le bal. Tout estoit d'un grand goust; il a faict planchéier toute la cour et couvrir avec de la toile cirée pour empescher l'eau, en cas de pluye. Le dedans estoit composé de huit grottes enfoncées, remplies de verdure d'if et de lierre, taillées avec des ciseaux, et d'ais revestus tout autour, à trois marches, avec cent lustres pendus au milieu et plus de 200 bougies; il y avoit un très bon orchestre de tous les instruments. Les grandes salles estoient pleines de tables, où il y avoit près de 200 personnes à table, ayant tout ce que l'on peut souhaiter de viandes exquises, lesquelles y abondoient, et un dessert des plus magnifiques que l'on ait jamais veu et bien servy.

Le devant de la porte estoit orné de festons, de portraits du Dauphin, et de plus de mille lampions tout autour, jusques sur le toict. Au-devant de la porte, il y avoit, dans la rue, au milieu, une longue table sur des pieux pour placer 60 personnes, qu'on servoit de roty grossier pour tous les pauvres. On y distribua 1.050 plats de viande fort bonne; on avoit quatre tonneaux de bon sidre pour eux : ils se relevoient et changeoient d'heure en heure. Il Ꭹ avoit 20 cavaliers de la maréchaussée autour d'eux, pour empescher le désordre. La feste commença le matin par unze coups de canon qu'on tira de la citadelle et, pendant le repas, on en tira encore trente, de dedans ledit lieu.

Je ne peux m'empescher de dire qu'il y avoit, dans le repas, 25 faisans, 3 saumons frais, 5 marcassins, 2 veaux de rivière et tout ce que l'on peut souhaiter de gibier de mer et de terre en abondance et d'une propreté à faire plaisir à voir.

Aujourd'huy, 4 octobre 1729, M. Villette, major de la ville et chasteau de Caen, a donné un repas aux

officiers de cavalerie qui sont en garnison à Caen, pour marquer la part qu'il prend à la joye publique de la naissance de Monseigneur le Dauphin. On a tiré 20 coups de canon pendant son disner.

Aujourd'huy, 5 octobre 1729, Messieurs du Consulat ont faict chanter un Te Deum dans l'église SainctPierre, en musicque, pour marquer leur joye de la naissance de Monseigneur le Dauphin. Ils partirent en corps de leur juridiction, située dans le GrandCheval; ils estoient environ vingt consuls. Il y avoit, à leur teste, le prieur qui estoit M. Crestey, marchand épicier; tous les autres estoient en habit noir propre, précédés de leurs officiers en robe. A leur teste, il y avoit deux trompettes, huict tambours et deux hautbois, en très bel ordre. Ils se rendirent dans les stalles du choeur, au bruict de l'orgue. Après quoy, on chanta le Te Deum, un motet et autres; ils se retirèrent chez eux au mesme ordre.

Il y eut un grand festin, et, sur les unze heures, on jetta plus d'un cent de fusées volantes dans les casiers de l'église Sainct-Pierre, qui firent fort bien. Ils avoient préparé du bois pour faire un feu dans la place du carrefour; Messieurs de la ville s'y opposèrent, prétendant que ceste place n'estoit que pour le Chasteau et la Ville. Ce qui fust cause qu'il n'y en eut poinct.

Le dimanche, 9 octobre 1729, Messieurs du Papeguay ont faict chanter un Te Deum dans l'église des R. P. Cordeliers, en marque de la réjouissance pour la naissance du Dauphin de France. Après quoy, on mist le feu à un buscher, qui estoit dans la Place Royalle, au bruict de la mousqueterie et de 5 coups de canon du Chasteau, des tambours, hautbois et

trompettes (1). On tira au soir plus de 100 fusées volantes.

Le 19 octobre 1729, les R. P. Jésuites chantèrent un Te Deum pour marquer la part qu'ils prenoient à la joye publique de la France. Après quoy, au soir, ils firent jouer un feu d'artifice, avec une illumination autour du rempart de leur jardin et advenue, ainsy que dans la tour, ce qui faisoit un coup d'œil magnifique, avec quantité de fusées volantes. On tira neuf de canon au Chasteau.

coups

Le 30 octobre 1729, Messieurs de la ville et eschevins firent jouer leur feu d'artifice qui avoit esté différé à cause du mauvais temps. On avoit dressé ce feu dans la praierie; on le transporta dans la Place Royalle, et, sur le minuit, on le fit jouer. Comme il y avoit un petit théâtre esloigné de vingt pas du feu d'artifice d'où on jettoit les fusées volantes, il arriva un accident très fascheux. On avoit mis imprudemment une partie des fusées sur le théâtre; il y en eut une qu'on jettoit qui mist le feu aux autres qui partirent aussytost à droicte et à gauche; une alla mestre le feu à une grande pièce d'artifice; d'autres partirent et tuèrent une personne et en blessèrent dangereusement d'autres. Ce qui dérangea tout, car c'estoit une très belle et magnifique décoration; ceste grande place estoit remplie dans toutes les fenestres du tour de toute la noblesse et des dames et la place estoit pleine d'un monde infiny.

Quand j'escrivois cy-dessus, on ne sçavoit pas encore tout le mal qu'avoient causé ces fusées volantes qui

(1) La Compagnie avait l'honneur d'avoir à sa tête M. de Coigny, gouverneur de Caen. Elle s'assembla, au nombre d'environ

« PreviousContinue »