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que luy en avoit faicte cy-devant, dame Cochefilet de Vaucelas (1).

Le mardy, 28 janvier 1698, Jean-Claude de Croisilles, escuyer, ancien advocat du Roy au Bailliage et Siège présidial de Caen, a pris séance dans ledit présidial, en qualité de conseiller, ayant esté reçu au Parlement à la charge que possédoit feu Dominique de Croisilles, son frère. Les deux charges d'advocat du Roy et de conseiller estant compatibles.

Au mois de janvier 1698, on a payé des lanternes à la ville de Caen (2), qui ont esté estimées pour l'amortissement à 75.000 livres et 2 sols pour livre. On a jetté cette somme sur toutes les denrées qui entrent dans la

avoir été abbesse de Vignats, elle succéda à sa tante en 1720. Elle mourut en 1729; on lui doit le couronnement des deux tours de l'abbaye qu'elle fit faire dans un style peu en harmonie avec celui de l'église.

(1) Anne-Madeleine de Cochefilet de Vaucelas était fille d'André de Cochefilet, comte de Vaucelas, chevalier des ordres du Roi, lieutenant général de ses armées, ambassadeur en Espagne, et d'Élisabeth de Laubépine. Cette maison très ancienne descendait par les femmes des rois d'Écosse et d'Angleterre.

Elle gouverna d'abord l'abbaye de Royal-Lieu pendant douze ans et permuta avec Mme Marguerite-Henriette Gouffier de Rouannes, 36 abbesse de Sainte-Trinité, en 1673. Elle fut abbesse pendant 27 ans et remit son abbaye, à cause de ses infirmités et de son grand âge, entre les mains du Roi, en 1696. Elle mourut en 1698, à l'âge de 87 ans, et fut enterrée le 2 juin 1698, dans un cercueil de plomb, près de la grille du chœur des religieuses, du côté de l'épître.

(2) La question des lanternes, à Caen, n'alla pas toute seule. Les Caennais trouvèrent d'abord qu'elles leur coûtaient fort cher et, ensuite, qu'elles étaient d'une utilité contestable. Être éclairé l'hiver? On pouvait s'en passer et leurs aïeux avaient bien vécu sans cet ornement. L'édilité faisait placer des lanternes, puisque

ville et, sur les maisons des bourgeois, une somme de 30.000 livres a esté establie pour ayder à payer les 75.000 livres.

Aujourd'huy, 9 de febvrier 1698, on a publié la paix généralle d'Hollande, Engleterre, Espaigne et Empire. Sur les 6 heures du matin, le Chasteau tira trois coups de canon pour signal, afin que toutes les cloches de la ville sonnassent, ainsy que le beffroy et les tinterelles de l'Horloge, qui, toute la journée, carillonnèrent. A unze heures, le Chasteau tira encore 3 coups de canon, et, dans ce temps, M. du Moustier, lieutenant général et maire, sortit, accompagné de tous les eschevins.

le Roi l'avait ordonné, mais ses administrés les cassaient à coups de pierres. Cela dura longtemps; il y eut même des interruptions. Le procureur du Roi avait beau requérir des amendes, les lanternes continuaient à en voir de dures, et Me François Hébert, le chevalier du guet, avait bien d'autres chats à fouetter que les « académistes, escoliers, porteurs d'espées, coureurs de nuit, etc. », contre lesquels requérait son supérieur. Il en avait tant, que le 18 décembre 1698, il fallut lui donner un lieutenant, le sieur Charles Biville, pour le suppléer et l'assister dans ses rondes de nuit. Malgré tout, on peut voir, dans les Registres de l'Hôtel de Ville, de temps à autre, des mentions du genre de celle-ci : « Mardi, 11 novembre 1698. Le sieur Baize, substitut du Procureur du Roi de la Ville, dénonce le s' Mirey, tailleur d'habits, demeurant Grande rue Saint-Jean, pour avoir refusé d'abaisser la lanterne à feu, et d'allumer la chandelle. Récidive. Condamné à 20 sols d'amende et aux dépens, modérés à 20 sols ». A la fin de 1698, les Caennais avaient si bien travaillé que les 255 lanternes de la ville étaient entièrement brisées; lisez plutôt : « Mardi, 21 septembre 1698. Charles Pouchin demande de fournir la chandelle et illuminer les 255 lanternes de chandelles de 4 à la livre,... plus, de faire réparer les 255 lanternes, qui sont presque toutes entièrement brisées ». Et, pour ce faire, les Caennais n'avaient même pas le prétexte, comme à Falaise, d'un arrêté qui prêtait à l'équi

voque.

Ils furent au milieu du carrefour, au son des trompettes et tambours, lire et publier la paix ; après quoy, ils montèrent tous à cheval et M. le Maire en carrosse, à cause de son grand âge, précédés de tous les huissiers et sergents, aussy à cheval et en fort bel ordre, et furent publier la paix dans tous les carrefours de la ville et des faubourgs. Environ à 4 heures et demie, toutes les parroisses et communautés et corps de justice, s'assemblèrent dans l'église Sainct-Pierre, où on chanta un Te Deum en musicque. Après quoy, Messieurs de la Ville furent mestre le feu à un buscher qui estoit dans le carrefour Sainct-Pierre; dans lequel temps tous les bourgeois qui estoient soubs les armes firent une descharge, ainsy que le Chasteau qui tira toute son artillerie. Pendant la nuit, on mist des chandelles aux fenestres et l'on fist quelques feux dans les rues. On tira un feu d'artifice qui estoit considérable et qui réussit assez bien.

Le 6o jour de mars 1698, M. le comte de Tessé, lieutenant général des armées du Roy et général des dragons (1), gouverneur d'Ypres et autres villes, est venu à Caen veoir Madame l'Abbesse de Caen, sa sœur. On a tiré le canon à son arrivée et à sa sortie. Toutes les compagnies de la ville ont esté le saluer. Les dra

(1) René de Froulay, comte de Tessé, né en 1650, mort en 1727, protégé de Louvois, servit avec distinction sous le maréchal Catinat et fut créé maréchal de France en 1703. Il fut ambassadeur à Rome et à Madrid et se retira, en 1722, au couvent des Camaldules. « C'était, dit Saint-Simon, un homme d'un caractère liant, poli, flatteur, voulant plaire à tout le monde; mais fier, adroit, ingrat à merveille, fourbe et artificieux de même ».

Malgré sa retraite dans un couvent, le maréchal partit cependant pour l'Espagne, comme envoyé extraordinaire du Régent,

gons du régiment d'Asfeld, de présent en garnison à Caen, ont esté pour faire garde à sa porte, ce qu'il a remercié.

Aujourd'huy, 12 may 1698, M. Le Rebours (1), curé de Sainct-Pierre de Caen, a esté reçeu conseiller honoraire au Présidial de Caen, à la place de M. l'abbé de Longlay, curé de Jurques.

Aujourd'huy, 30 may 1698, illustre dame, Madame Anne-Madeleine de Cochefilet de Vaucelas, ancienne abbesse de l'abbaye royale de Saincte-Trinité de Caen, est morte en odeur de saincteté et a esté enterrée avec toute la magnificence possible. Messieurs les Religieux réformés de la Grande Abbaye firent la cérémonie. On donna des habits de deuil à tous les prestres, chapelains et officiers de ladite abbaye.

Aujourd'huy, 12 juin 1698, il est arrivé à Caen, M. Donjat, conseiller au Grand Conseil, commissaire député pour informer sur l'assassinat commis en la personne de M. de la Salle, vice-bailly de Caen, et de deux ou trois personnes, lorsqu'ils allèrent pour arrester, par ordre du Roy, les sieurs Le Picard, trois frères demeurant prosche Le Billot et Vimoutiers. Toutes les compagnies ont esté le saluer.

en décembre 1723. Il avait alors 74 ans. Il devait veiller au départ de l'Infante qui venait en France pour épouser plus tard Louis XV. En avril 1725, il dut revenir en toute hâte, rappelé brusquement par le duc de Bourbon, au moment du renvoi de la petite princesse. Il se retira de nouveau au couvent des Camaldules, où il mourut de chagrin au cours de la même année.

Le roi d'Espagne l'avait fait chevalier de la Toison d'or et lui avait fait présent d'une épée en or enrichie de diamants.

On a de lui des Mémoires, en 2 volumes, publiés en 1806. (1) Guillaume Le Rebours, prêtre, curé de Saint-Pierre, conseiller d'honneur; l'abbé de Longlay était mort en 1697.

Aujourd'huy, 7 aoust 1698, M. le comte de Marsan, prince de Lorraine (1), est arrivé à Caen, avec M. de Matignon, son beau-frère (2). Il a espousé Madame de Seignelay; il vient se promener en ce pays-cy.

Les bourgeois se mirent soubs les armes en haye, depuis le haut du faubourg de Vaucelles jusques à la porte de M. Foucault, intendant, où il alla loger. Il y avoit là une garde de 60 hommes des mieux faicts qui fust remerciée, lorsqu'ils furent arrivés, ainsy que toute la bourgeoisie de Caen. On tira le canon à leur arrivée. Toutes les compagnies furent, par députation, le saluer.

Aujourd'huy, 19 octobre 1698, M. Nicolas du Moustier, escuyer, sieur de la Motte, conseiller du Roy,

(1) Charles de Lorraine, comte de Marsan, sire de Pons, prince de Mortagne, etc., chevalier des ordres, était fils de Henry Ier, comte d'Harcourt et d'Armagnac. Il était né le 8 avril 1648. Il servit avec distinction, surtout aux sièges de Maëstricht et de Besançon, suivit le Roi à ceux de Mons et de Namur et mourut en 1708.

Il avait épousé en premières noces, en 1683, Marie d'Albret, veuve de Charles-Amanjeu d'Albret et fille unique de CésarPhébus d'Albret, comte de Miossens. Il n'en eut pas d'enfants et recueillit quand même la riche succession de cette maison, dont cette dame était l'unique héritière. En 1696, il se remaria avec Catherine-Thérèse de Matignon, marquise de Lonré, veuve de Jean-Baptiste Colbert, marquis de Seignelay, ministre et secrétaire d'État, et fille de Henry de Matignon, comte de Thorigny. Son père, Henry de Goyon de Matignon, comte de Thorigny, né à Lonray, le 10 août 1603, lieutenant général de Basse-Normandie, était mort à Caen, en 1682.

(2) Charles-Auguste de Goyon de Matignon était né le 28 mai 1647. Il devint maréchal de France en 1708 et mourut le 9 décembre 1729.

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