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Voilà les misères qu'il s'agissait de réparer: | ve, s'ils déposaient les armes. Le pavé de Nous avons commencé déjà depuis longtemps toutes les chambres, des terrasses, des cours, à distribuer à ces malheureux des vêtements tout porte la trace de longs ruisseaux de sang, et du pain. Mais il fallait plus que cela pour affreux témoignage de la perfidie et de la répondre à la générosité de la France. Nous cruuté des Turcs. Tous les chrétiens réfugiés avons entrepris la restauration des maisons dans ce palais ont été massacrés, sauf un seul ruinées et l'ensemencement des terres. Déjà le qui s'était caché sous un escalier, d'où il entenHauran, situé au delà de Damas, a reçu de dait tout, et qui nous conduisait lui-même dans nous de quoi assurer ses récoltes l'année pro- cette triste visite. Il nous a montré la terrasse chaine, et je viens d'organiser à Saïda, Ha-d'où le plus grand nombre de ces infortunées. mana, Zahleh et Deir-el-Kamar, quatre commissions chargées de veiller à la réinstallation des chrétiens dans leurs districts respectifs. Ces commissions auront à leur disposition une somme de plus de six-cent mille francs. On pourra faire énormément avec cela : les mai sons n'ont pas besoin d'autres matériaux que du bois, et nous le prendrons gratuitement dans les forêts des Druses. Les troupes françaises, toujours dévouées et généreuses, nous fourniront la main-d'œuvre, grâce à une décision du général de Beaufort. Enfin M. le consul de France met également à la dispositiou des mêmes commissions une partie des fonds qu'il va recevoir du gouvernement.

victimes étaient précipitéés par les soldats turcs pour être reçues sur la pointe des poignards des Druses, et massacrées ensuite. Ils sont là. encore, au nombre de plusieurs centaines, ces malheureux, à peine recouverts d'un peu de terre et de chaux qu'ils doivent à la pitié de nos soldats; leurs bourreaux les avaient laissés absolument sans sépulture.

Près de cette terrasse il y en a une autre dont la vue est plus atroce encore. On y voit, pratiqué dans un mur, un trou rond par lequel, ces farieux forcaient leurs victimes à passer le bras; celles-ci étaient enfermées dans un ap-. partement contigu auquel le mur servait de clô ure. Ils se demandaient alors lequel d'entre Sans doute beaucoup de misères resteront eux abattrait le mieux d'un coup de sabre ie encore à soulager, en particulier celles des bras du patient. J'ai vu les flots de sang qui ont veuves et des orphelins; mais nous nous char-découlé de cet endroit horrible sur les murailgeons encore de ces derniers auxquels j'ouvre, les du palais, et les Turcs qui l'occupent encore au nom de la France, deux vastes asiles, et n'ont pas même eu la pudeur d'effacer ces Fuad-Pacha m'a dit lui-même qu'il se chargeait abominables vestiges de cruauté. Quelle preude fonder, dans un des palais de Saïda, une mai-ve plus accablante de la complicité des pachas, son de refuge pour les veuves. que tout ce triste spectacle!

C'est pour voir de près toutes choses et En sortant du sérail, nous avons visité la pour installer définitivement le comité de maison qu'occupaient autrefois les sœurs MaDeïr-el-Kamar que je me suis rendu dans cette riamettes. Là aussi on avait entassé, dans les ville. Je viens de traverser une foule de villa- chambres voûtées, des centaines de cadavres, ges, et j'ai' assisté hier à un spectacle aussi et, quoique nos soldats les eussent retirés deinattendu qu'émouvant, à l'occasion de l'entrée puis un mois, l'odeur était encore tellement du consul général de France dans quelques-insupportable que nous avons dû nous retirer unes de ces localités ruinées. Vous ne vous fi-à la hâte, ne pouvant y tenir. gurez pas le tableau saisissant qu'offraient ces Un officier français nous a raconté que le pauvres paysans, presque en haillons ou revê-jour de l'entrée de nos troupes à Deïr-el-Kamar, tus des hab ts que nous leur avions donnés, ve- plusieurs centaines d'habitants des villages, les nant décharger leurs armes en signe de joie et suivaient, cherchant dans les décombres les entamant leurs chants de guerre en l'honneur restes de ceux qu'ils avaient aimés. Arrivée de la France. Au milieu de tout cela, le clergé devant la maison des sœurs, une pauvre femarrivant avec des lambeaux d'ornements sous- me, éperdue de douleur, se précipite sur ces traits au pillage, et les femmes faisant fumer cadavres en putréfaction qui étaient là depuis l'encens sur des assiettes de terre. Ce spectacle trois mois. Elle venait de reconnaître les vêtede tristesse et de joie, ce deuil peint partout à ments de son mari. Elle embrasse avec fareur côté des chants de triomphe, me rappelaient ces tristes restes, et, s'emparant par un moumalgré moi, païen que je suis, même au mi-vement plus prompt que la pensée, de l'un des lieu de l'exercice de la charité chrétienne, ce bras du cadavre, elle court toutes les rues de sourire à travers les larmes que le viei! Home- la ville en criant: Vengeance contre les Drare nous peint sur le visage de la femme d'Hec- ses!....

tor.

Ce contraste n'a pas marqué notre entrée à Deir el-Kamar. Ici tout est sombre et lugubre, tout porte l'empreinte du désespoir et de la

A quelques jours de là, une femme, encore la même peut-être, qui avait vu toute sa famille massacrée sous ses yeux, reconnaît, à Deïr-el-Kamar, la femme d'un Druse, d'un des assassins de son mari. Elle s'arme d'une épée, Je sors du sérail où le pacha avait reçu six se précipite sur la femme druse, la terrasse. cents chrétiens en leur promettant la vie sau-lavec toute la force que donne le désespoir,

mort.

puis, quand elle tient son ennemie sous elle, ¡ le front contre terre. Elle pleurait à la fois de elle fait le signe de la croix et lève la tête au joie et de tristesse, et tous ceux qui étaient là, ciel, en demandant à Dieu la force de venger prêtres et assistants, avaient aussi, je vous les siens; puis, d'un seul coup de sabre, elle l'assure, les larmes aux yeux, Pour moi, en éledétache la tête de la femme druse. vant l'auguste victime, je demandais à Dieu repos pour les morts et pitié pour les vivants.

Nos soldats, nos officiers étaient présents, pas un n'a eu la pensée de s'opposer à cet acte de vengeance sauvage. « Je n'ai rien vu de plus sublime que la pose et la prière de cette femme, me disait un de nos officiers. » Hélas, mon cher ami, je n'ai jamais rien entendu qui ait plus désolé mon âme. Jugez quelles douleurs il faut pour préparer et pour excuser des actes semblables.

Nous quittons Deïr-el-Kamar dans quelques heures, pour nous rendre à Hamana et de là à Damas. Nous laissons en partant un fort subside à notre comité, et nous distribuons dix piastres par personne à tous ces pauvres malheureux. Que Dieu leur soit en aide et les console! Lui seul peut guérir de pareilles blessures et faire oublier de tels malheurs.

Hamana, 3 novembre 1860.

L'église maronite a été aussi visitée par nous le sang est partout, nos soldats y ont trouvé des centaines de cadavres. Là encore, Dieu a disposé autrement que moi, mon cher tout présente le spectacle de la désolation et ami je comptais être aujourd'hui près de Dade la barbarie. Dans une petite cour, près de mas, et je suis étendu sur un lit de douleur la sacristie, j'ai vu des restes de charbons pour longtemps peut-être. J'ai été hier la vicéteints; je me suis approché, j'ai fouillé les time d'un de ces accidents si fréquents dans les cendres, et je les ai vues, avec horreur, plei- routes épouvantables de ce pays. J'avais déjà nes d'ossements humains calcinés, et de lam-passé, dans mes excursions, par des chemins beaux d'ornements d'église. qui sembleraient absolument impossibles par

On avait brûlé des chrétiens, des prêtres tout ailleurs qu'ici. Il ne m'était rien arrivé de peut-être, en se servant, pour allumer la flam-grave; mais hier, en entrant dans le village me, des vêtements sacrés; tout est détruit ruiné de Hamana, mon cheval s'est abattu et dans cette église, autels, boiseries, sculptures, les murs seuls et la voûte tiennent encore. Je dois y dire la messe demain premier novembre.

Deïr-el-Kamar, 1 novembre.

Je viens de dire la messe à la pauvre église ruinée, je ne crois pas en avoir jamais célébré de plus émouvante.

m'a précipité en avant sur des rochers. Ma chute a été si malheureuse, que je me suis déboité l'épaule et le coude droit. L'enflure empêche encore de dire s'il y a des désordres plus graves et une fracture. Vous l'avouerai-je, mon cher ami, la faiblesse humaine a été plus forte que ma volonté. Je me suis trouvé mal sur le coup, par suite de la violence de la douleur, et, lorsque je suis revenu à moi, je n'ai pu Les habitants de Deïr-el-Kamar avaient été marcher seul; on a dû me traîner, gémissant, avertis de notre intention. M. le consul de par d'étroits sentiers jusqu'à la filature de M. France m'avait prévenu qu'il désirait assister Bertrand, négociant français, située à environ officiellement au saint sacrifice, et le com- un quart d'heure. Là, le docteur Jaulerry, mon mandant militaire avait mis un piquet à notre compagnon de route, a pu remettre immédiadisposition. M. Noyant, prêtre de la mission, tement en place les parties lésées, et me don-. et aumônier des troupes expéditionnaires, m'a- na les soins nécessaires. Il est vraiment provivait envoyé du château de Bet-Eddin, où les dentiel que j'aie eu un médecin avec moi. Je troupes sont cantonnées, les ornements néces compte me faire transporter demain à Beysaires. A huit heures et demie tout était prêt.routh, si la chose est possible. Tout ce qu'il y avait de chrétiens à Deïr-el-Kamar s'étaient rendus dans l'église. Je suis allé recevoir à la porte, d'une manière solennelle, le Je me suis fait transporter, dimanche, à consul et les officiers. Lorsqu'ils sont entrés Beyrouth. Vous auriez ri, sans doute, mon jusqu'au bout du Sanctuaire, les fronts des cher ami, si vous m'aviez vu sur l'âne qui m'a pauvres habitants se sont relevés pour la pre-transporté de Hamana à la route de Damas ; mière fois. Ils semblaient voir dans la répara-un voyage de quatre heures. tion solennelle de leur culte le gage le plus sûr J'étais tenu par trois Arabes sur ma pauvre de la réparation de leurs malheurs.

Beyrouth, 9 novembre.

monture, qui n'y comprenait certainement La messe s'est dite en silence, mais lors rien, et un quatrième la tirait par la bride. qu'au moment de la consécration la voix de Nous montions, à pas de fourmi, par un soleil l'officier français qui commandait la troupe a de feu. J'ai bien souffert, je vous l'assure. Enfait entendre le cri: Genoux à terre! et qu'en-fin nous sommes arrivés à Beyrouth, après six suite nos tambours ont raisonné sous ces vieil-heures de route, grâce à une voiture que les les voûtes à demi-détruites, el témoins de tant sœurs de la Charité m'avaient envoyée à l'ende crimes, l'émotion de tous a été profonde; droit où le chemin devient carossable. Le doctoute cette pauvre population était prosternée teur Jaulerry m'accompagnait. Mais je l'ai fait

repartir le lendemain pour Damas, qu'il dési- n'a d'autres ressources qu'on nouvel appel au rait voir, et où d'ailleurs sa présence était, né- monde catholique. Il vous l'adresse par notre cessaire pour me renseigner sur la situation intermédiaire et nous tendons la main pour exacte des chrétiens. Je suis donc absolument lui: un fils ne rougit pas de demander pour un seul maintenant. Il est vrai que les sœurs de père. Notre voix sera entendue comme par le la Charité et tous les missionnaires me témoi-passé, et Pie IX obtiendra de l'amour de ses gnent un dévouement et ont pour moi des at- enfants ce qu'il ne saurait recevoir de la pitié tentions qui me pénétrent de reconnaissance. de son sacrilege spoliateur. Ce sera toujours Mon bras est toujours enflé et la fièvre vient avec reconnaissance que nous recevrons et chaque jour se joindre à l'enflure; on me fait transmettrons les dons volontaires que votre espérer néanmoins une prompte convalescence piété vous portera encore à offrir au Denier de si des accidents nouveaux ne se déclarent pas. Saint-Pierre. Je bénis Dieu de ce qu'il a bien voulu m'envoyer cette petite épreuve et couronner ainsi ce que j'ai pu faire en Syrie au nom de notre OEuvre. Je vous demande seulement de le prier de m'accorder la patience dans la douleur, s'il juge à propos de me la continuer. Ma maladie ne m'empêche nullement, du reste, de m'occuper de nos affaires. Un jeune ecclésiastique maronite, élève du collége de Ghazir, me sert de secrétaire; les Jésuites ont eu la bonté de me le céder jusqu'au retour prochain de M. Jaulerry. Je reçois, comme à l'ordinaire, les Le soir, nos antiquaires ont tenu leur banquet visites de tous, et je m'occupe de mener à bonne fin tous nos projets. Ma plus vive, ma d'usage dont ils ont fait les honneurs à Mgr de seule peine, serait que mon accident retardât Bonnechose. Le président de la société, M. Puid'une seule minute le soulagement d'un mal-seux, professeur au Lycée et historien distingué, a porté le toast suivant que je vous envoie comme un modèle d'inspiration chrétienne, d'urbanité et de bon goût, toutes qualités assez rares en notre temps:

heureux.

pauAdieu, mon cher ami, recommandez le vre abbé aux prières de tous les associés de notre OEuvre, et dites leur que leurs aumônes sont bénies de Dieu, car elles sèchent bien des larmes.

Croyez moi, etc.

CH. LAVIGERIE,
Professeur à la Sorbonne.

On nous écrit de Caen, 23 novembre : Il y a quelques jours, Mgr l'archevêque de Rouen présidait ici, en qualité de directeur, la séance publique annuelle de la Société des Antiquaires de Normandie. L'éminent prélat a lu un discours fort remarquable sur l'histoire monumentale de cette grande province. Son œuvre a été fort goûtée et très-applaudie.

« Messieurs et chers confrères,

« Lorsque, l'an dernier, à pareille époque, vous défériez à Sa Grandeur Mgr de Bonnechose le titre de directeur de votre Compagnie, ce n'était pas seulement un hommage rendu aux méqui vient de nous apprendre à l'admirer. Vous rites éclatants du prélat que nous vénérions, et vouliez, en même temps, placer la Société des Antiquaires de Normandie sous son patronage Daturel.

Voici en quels termes Mgr l'évêque de Soissons termine son mandement publiant l'allocution du Saint-Père et ordonnant de nouvelles prières pour le Pape : « Cette deuxième Lyonnaise, où vous recueilPuissiez-vous tous, à l'exemple du peuple lez avec un soin pieux les reliques ensevelles du de Béthulie, reconnaître et acclamer la justice monde romain; cette Normandie, dont vous étuet la vérité des plaintes exhalées par le Pas-diez dans ces replis les plus secrets la glorieuse teur de nos âmes, par le Pontife suprême de et dramatique histoire, ne sont-elles pas identil'Eglise! Mais qu'il nous soit permis de vous ques, en effet, à la province ecclésiastique de exprimer un autre væu, le vœu que nous n'ar- Rouen? Celle-ci sert de témoin, de témoin presrêtions pas là l'élan de notre fidélité et de no- que unique, à la première; elle a servi de cadre crivent le champ même de vos recherches. tre dévouement. Ne sentirons-nous pas le dé-politique à la seconde; ses frontières circons

« Vous ne pouviez donc confier la direction su. sir efficace de continuer à venir en aide, selon la mesure de nos ressources, au Père le plus prême de vos intérêts et de vos travaux à des digne de notre respect et de notre amour? Sa mains plus compétentes, et je me hâte d'ajouter situation s'aggrave tous les jours ses sollici-à de plus dignes mains, que celles du pontife qui tudes augmentent : ses tortures morales se gouverne, avec tant d'honneur pour lui-même multiplient; il est à peine libre aujourd'hui et tant d'avantage pour les âmes chrétiennes, pour le gouvernement de l'Eglise demain peut-être il sera forcé de quitter Rome.

:

Les besoins sont plus grands que jamais: la source des revenus publics ayant été tarie par de récentes invasions, le Pontife-Roi, avec les charges auxquelles il doit et veut satisfaire,

« Nulle province n' attesté à un plus haut degré que la Normandie l'union intime de l'Eglise avec le développement historique du pays. C'est sous la bannière de l'Eglise que nos chevaliers normands du moyen âge ont accompli tant d'exploits héroïques et fondé de si grandes cho

l'Eglise metropolitaine de Rouen.

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ses. Ses monastères,. ses écoles épiscopales ont éte autant de foyers où s'est rallumé le flambeau des lettres modernes. Les monuments dont elle a

couvert et paré notre sol, ces monuments où l'on sent vivre, après tant de siècles, le souffle inspirateur qui les a créés, n'ont-ils pas été le premier, ne sont-ils pas toujours le principal objet de notre institution et de ros études?

«Tout, Messieurs, les pierres vives de nos temples, les chartriers de nos archives, les enseignements de la géographie, de l'histoire, de L'archéologie, l'esprit chrétien, enfin, qui est le génie même de l'art et de la civilisation, tout nous rattache à l'Eglise, à ses traditions, à sa

hiérarchie.

En venant présider, avec l'autorité de son ca ractère et de son nom, nos assises solennelles; en traçant, il y a quelques heures, et de la main d'un maître, en traits larges et fermes, l'histoire monumentale de notre province; en acceptant une place au milieu de nous dans ce banquet fraternel, le primat de Normandie a scellé une fois de plus le pacte d'alliance. .

« Aussi, Messieurs, vous associerez-vous, j'en suis certain, au toast que je suis heureux et fier de porter au nom de notre Compagnie :

« A l'homme éminent qui a su réunir, dans un mélange aimable et délicat, la grâce avec la dignité, les mérites du siècle avec ceux de l'Eglise; et qui, jadis magistrat de la justice humaine, magistrat aujourd'hui du Dieu vivant, a honoré successivement deux sacerdoces;

« Au prélat qui, aux vertus de l'apôtre, aux qualités de l'homme d'esprit, aux charmes de l'écrivain, à l'éloquence de l'orateur, a bien voulu, par un surcroft gracieux pour nous, joindre la la science plus modeste de l'antiquaire ;

«A Mgr de Bonnechose, archevêque de Rouen, directeur de la Société des antiquaires de Normandie! »>

Nous nous bornons aujourd'hui à citer un fragment de l'introduction, dans lequel l'auteur expose la pensée et le plan de l'ouvrage; voici comment il s'exprime :

Les pièces qu'il contient manquent, à première vue, d'unité. Questions, adversaires, style même, tout paraît différent, pour ne pas dire opposé. J'ose dire toutefois que cette diversité n'est qu'à la surface. Au fond, si l'on veut y regarder de près, il n'y a qu'une question traitée; grand problème, il est vrai, qui enferme en son sein tous les autres ! La question des rapports de l'ordre naturel avec l'ordre surnaturel, de la foi avec la raison, de l'autorité avec la liberté, dans le triple domaine de la science, de la religion et de la politique. Il n'y a, non plus, qu'un seul but poursuivi: l'union sans confusion, la distinction sans séparation de l'or dre naturel avec l'ordre surnaturel, et la réconciliation dans la justice et la vérité, dans l'autorité et la liberté du monde moderne avec le catholicisme.

Là est l'unité vivante de ce livre. La diversité qu'il présente m'a été imposée par les circonstances où j'ai écrit et par les adversaires opposés qu'il m'a fallu combattre. Les uns, comme je l'ai dit ailleurs (1), nient l'ordre surnaturel, et ils considèrent la religion non comme un fait divin et surnaturel, non comme une institution d'origine divine, mais comme un produit de la nature et de l'activité humaine : ce sont les rationalis¬ tes, ou partisans exclusifs de la raison.

Les autres, par un excès opposé, suppriment, ou au moins dépriment l'ordre purement na turel en refusant à la nature humaine, en dehors de l'enseignement extérieur et traditionnel de Dieu, L'accent modeste et convaincu de l'orateur, toute autorité comme principe et règle de sa voix émue et pénétrante ajoutaient un char-nalises, ou partisans exclusifs de la tradition. croyance et de conduite: ce sont les traditiome infini à l'éloquence de ses paroles. Il a été interrompu plusieurs fois par les applaudissements, et il a reçu sur le moment même et de puis des félicitations bien sincères auxquelles vos lecteurs ne manqueront pas de s'associer.

Pour extrait: M. GARCIN

J'ai classé sous deux chefs distints les écrits dirigés contre les uns ou les autres de ces adversaires, et j'ai réservé pour une troisième partie quelques articles de critique littéraire, morale et philosophique, qui ne se rattachaient pas directement au sujet du traité dans les deux premières.

Le grand problème agité dans ces pages se recommande par lui-même à tous les esprits sé

Sous le titre de Polémique Religieuse, rieux pour qui l'étude des destinées de l'homla librairie Didier met aujourd'hui en vente tres études. Ce modeste recueil offre un autre me et de la société passe avant toutes les auun livre de notre collaborateur M. l'abbé intérêt, celui de fournir quelques renseigneJ. Cognat. C'est plus qu'un recueil de ments historiques sur le mouvement de la polépièces pour servir à l'histoire des con-mique religieuse en France depuis dix ans. troverses de ce temps; c'est comme le Le temps orageux où nous vivons peut paraîtableau du mouvement de la polémique re- tre mal choisi pour une publication de ce genre. ligieuse en France depuis dix ans. Il nous Je ne me suis pas laissé arrêter par cette objecest plus difficile qu'à d'autres de louer ce tion, fermement convaincu que les faits sont livre, où se retrouvent la force de raison- produits par les idées, et qu'on ne saurait mieux nement, l'élévation, la clarté, toutes les qualités de fond et de forme que nos lecteurs apprécient depuis longtemps.

(1) Clément d'Alexandrie, sa doctrine et sa polé→ mique. Paris, 1850, chez Dentu.

travailler à régler la suite des uns qu'en dirigeant | Seas, et à la hauteur de l'équateur avait gagné

le cours des autres.

Paris, novembre 1860.

J. C

Cette courte citation suffit à faire comprendre l'intérêt du livre de M. Cognat, sur lequel nous reviendrons prochainement.

Léon LAVEDAN.

FAITS DIVERS

trois jours sur ce navire, et que l'illustre Maury a cité comme unique et qu'il opposait à toutes les marines pour la supériorité de sa marche. Maury a cité également avec raison comme remarquable le voyage autour du monde accompli par le Siword-Fish en 10 mois 10 jours. Eh bien! le commandant Lapierre vient de réaliser un fait de navigation bien autrement considérable, puisque, avec l'Isis, il a, en l'espace de 6 mois 27 jours, fait 10,000 lieues, c'est-à-dire plus que le tour du monde !

Sans Alexandre Dumas, Garibaldi ne seLe ministre de la marine vient de décider rait pas entré à Naples, et cette ville gémirait que les bâtiments à construire dans les chanencore sous le despotisme le plus affreux. C'est tiers du commerce pour le compte de la marine ce que nous apprend M. Alexandre Dumas luidevront être exécutés sous des toitures cou-même, dans une lettre que publie son journal

vertes.

l'Indipendente. Voici ce monument de fanfa- Le Rhône, qui redescendait depuis quel-ronade révolutionnaire : quelques jours au-dessous de l'étiage, a repris aujourd'hui samedi, dit le Progrès de Lyon, son mouvement ascensionnel dans de fortes proportions. Il couvre tous les bas ports et roule des flots jaunes et épais.

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Les wagons venant du Nord sont arrivés hier matin, à Paris, couverts de neige.

On écrit de Berlin qu'il va être formé dans cette ville une commission composée de délégués de la Prusse et de la France pour s'entendre sur la construction projetée d'un canal de communication entre la Sarre et le canal de la Marne au Rhin.

M. le comte de Lair, directeur des haras, passait vendredi matin, à cheval, dans l'avenue Marigny, lorsque l'animal faisant un faux pas, s'est brusquement abattu; entraîné dans la chute, M. de Lair a eu la jambe fracassée. Il été transporté chez lui, où les premiers appareils ont été placés.

a

Voici quelques détails sur la belle navi gation de la frégate l'Isis, commandée par le capitaine Lapierre.

La frégate l'Isis, partie de Brest le 19 avril 1860, mouillait à Papaete le 4 août suivant, c'est-à-dire après 107 jours de navigation. Le 19 août 1860, l'Isis repartait pour Brest, où, comme nous l'avons annoncé, elle est entrée vendredi, après 89 jours de traversée sans avoir relâché ni communiqué en mer depuis son dé part. C'est ce manque de communications qui, jusqu'à un certain point, justifiait les craintes vives répandues sur le sort de l'Isis.

«Si le sang ne fut pas répandu aux portes et dans les rues de Naples, Liborio Romano et moi n'avons pas peu contribué à obtenir ce résultat, et comme nous n'affirmons jamais rien sans en donner la preuve immédiate et irrécusable, qu'on lise ce qui suit:

« Le 25 août dernier j'écrivais au Garibaldi : « Ami, je dois vous écrire longuement et vous

parler d'affaires sérieuses. Lisez avec attention. Malgré le désir de vous rejoindre, je demeure à ̈ Naples, où je crois être utile à notre cause.

« Voici ce que je f is. Chaque nuit on affiche une nouvelle proclamation qui, sans appeler les Napolitains aux armes, les maintient dans la

haine vouée au Roi,

« Je me suis mis, en quittant Messine, en communication avec Palerme. L'esprit y est excellent. Je fus prévenu, au moment de l'insurrection de Potenza, que 5,000 Bavarois et Croates étaient arrivés avec le général Scotti pour comprimer l'insurrection. J'arrivai avant, ce général à Salerne. Je communiquai avec les montagnards, je leur distribuai soixante fusils à deux coups. Les défilés des montagnes furent gardés. Scotti et ses 5,000 hommes ne purent passer, et Potenza fit tranquillement son insurrection qui envahit presque toute la Basilicate.

« Ce n'est pas tout. Les Bavarois, voyant qu'ils ne pouvaient faire un pas dans les montagnes sans risquer de recevoir autant de coups de fusil qu'ils rencontraient de roches sur le chemin, me firent proposer, moyennant cinq ducats par tête, de déserter avec armes et bagaçais établi à Pa erme, venait me faire cette ges. Au moment où le docteur Weylandt, Franproposition, l'amiral Persano était à bord de l'Emma, et entendant ses paroles, nous nous coti âmes, Libertini, Salvati, Muratoni et moi pour faire ensemble 23,000 fr., c'est-à-dire le En 6 mois et 27 jours, dont 196 en mer, le cinquième de la somme. L'amiral nous dit: Ne commandant Lapierre a fait 10,000 lieues ma- vous inquiétez pas des autres 80,000 fr.; c'est compte donc sur l'amiral Persano. rines, et sur les 318 passagers de l'Isis, au de-moi qui les donnera sur ma propre fortune. Je part, et sur les 128, à l'arrivée, il n'a été constaté aucun cas de maladie!

« Cent cavaliers m'ont fait offrir ce matin de déserter avec leurs chevaux sans condition auA partir de l'archipel de Toubouaï, l'Isis a cune; malheureusement je n'ai pas des moyens suivi la route faite par le Souvereign of-the-l de transport pour eux.

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